QUEL EST LE NOMBRE DE PRISONS POUR FEMMES EN FRANCE ? DANS QUELLES CONDITIONS SONT-ELLES DETENUES ?
Seules deux prisons françaises sont dédiées aux femmes : la maison d’arrêt de Versailles et le centre pénitentiaire de Rennes. En dehors de ces deux établissements pénitentiaires, moins de 30% des prisons disposent de quartier spécifique pour les femmes détenues (soit 55 sur les 188 prisons existantes sur le territoire national). Ces enclaves réservées aux femmes incarcérées sont bien souvent de quelques places seulement et régies par le principe du code de procédure pénale de séparation entre les hommes et les femmes. Il en résulte que, généralement, dans les prisons françaises, seuls les hommes peuvent accéder aux salles prévues pour les activités collectives autorisées par l’administration pénitentiaire. Cela limite fortement l’accès des femmes en prison aux ateliers, aux formations, aux emplois qui sont proposés au sein des établissements pénitentiaires. Il en va de même pour l’accès aux soins médicaux : les femmes en prisons mixtes, ne doivent pas croiser les hommes, même à l’unité sanitaire. Aussi pour leurs consultations elles n’ont droit qu’à quelques créneaux, insuffisants pour assurer le suivi médical correct des femmes en prison en France. Cette inégalité dans les conditions de détention, pénalise les femmes qui n’ont pas les mêmes possibilités que les hommes de préparer leur réinsertion pendant l’exécution de leur peine.
CONDAMNEES A L'EMPRISONNEMENT, QUID DES LIENS FAMILIAUX DES FEMMES DETENUES.
Être femme en prison c’est être encore davantage coupé de sa famille que ne le sont les hommes. La répartition géographique des établissements pénitentiaires qui les reçoivent n’est pas homogène, certaines régions sont particulièrement mal dotées, comme le Sud de la France. Cela crée un éloignement géographique entre la femme incarcérée et ses proches, donc des temps et des coûts de trajets plus lourds, souvent impossibles à assumer, pour venir jusqu’au lieu de détention. Ce qui complexifie et raréfie le maintien des liens familiaux ou sociaux. Contrairement aux hommes qui continuent d’avoir régulièrement des visites au parloir de la part de leur entourage, notamment féminin (mères, conjointes, sœur, etc.), les femmes sont moins soutenues pendant leur incarcération du fait de l’éloignement géographique. Mais ce n’est pas le seul facteur à expliquer leur abandon : il existe là encore une véritable inégalité. Si les femmes soutiennent pour la plupart leur compagnon incarcéré, les hommes se montrent en général moins présents au parloir quand c’est leur compagne qui est détenue. Leur isolement s’en trouve intensifié et c’est un vrai handicap pour préparer leur sortie.
APRES LE MILIEU CARCERAL, QUELLE VIE POUR LES FEMMES ?
A la sortie, les femmes doivent affronter le regard de la société qui n’est pas tendre avec celles qui ont été condamnées à des peines de prison. A cela s’ajoute l’épreuve de la reconstruction du lien familial. Pour certaines, la garde des enfants leur a été retirée, pour d’autres il s’agit de renouer auprès de proches dont elles sont sans nouvelles depuis des années, surtout lorsqu’il s’agit de longues peines. Le temps et l’éloignement créent une distance qu’il faut désormais combler, rattraper. Certaines femmes ont perdu leur logement pendant leur incarcération et se retrouvent à la rue. Sans un toit, sans un emploi, ne pouvant compter sur le soutien de leur entourage, les risques de récidive, et donc de retourner en prison, sont grands. Enfin, il existe peu de structures de réinsertion dédiées aux femmes une fois hors les murs. La mise à l’abri de ces femmes, mais surtout le soutien et l’accompagnement dans la réalisation de leurs projets de vie sont indispensables si on veut les aider à se reconstruire, à s’éloigner définitivement de la délinquance et éviter la récidive.
L’ÎLOT, UNE ASSOCIATION AUX COTES DES FEMMES
L’Îlot, consciente et soucieuse de la situation que vivent les femmes qui ont connu le milieu carcéral, a développé un accompagnement spécifique pour celles qui sortent de prison ou sont en aménagement de peine. Notre association fait partie des rares structures en France à accueillir ces femmes au parcours difficile. Grâce à notre expertise dans l’aide et le suivi des personnes qui ont été en lien avec la justice, nous apportons une prise en charge dédiée à leurs problématiques telles que le recouvrement des droits sociaux, le rétablissement des liens familiaux avec leurs enfants, l’aide à la recherche d’emploi et de logement. Dans la logique de cette assistance, l’Îlot a créé des centres d’hébergement qui leur sont dédiés : les CHRS du Val-de-Marne et de Thuillier à Amiens.
UN ACCOMPAGNEMENT GLOBAL POUR MIEUX SE REINSERER
L’Îlot prend, non seulement, en compte les conditions des femmes durant leur détention : peu ou pas de formation, emploi ou soins médicaux, mais intègre aussi une réalité encore plus dure : selon une Enquête Nationale sur les Violences Envers les Femmes en France, ENVEFF de 2003, près de 100% des femmes détenues ont vécu des violences conjugales. Celles-ci peuvent se poursuivre après la sortie de prison, aussi l’Îlot met en œuvre un accompagnement adapté à la protection pérenne de ces femmes. Si des violences conjugales sont commises au sein d’un de nos CHRS, l’expulsion du conjoint violent ouvre une première phase d’accompagnement, notamment au travers d’un groupe de parole, pour aider la victime à reconnaître que ces violences ne sont ni « normales » ni « acceptables ». **Notre équipe appuie aussi la victime dans ses démarches judiciaires ainsi que dans la constitution de son dossier lorsqu’une procédure pénale et/ou de divorce est engagée. **
De plus, notre équipe est attentive à la reconstruction du lien de parentalité, car certaines des femmes ayant connu la prison, sont aussi souvent issues de l’Aide sociale à l’enfance. Nous travaillons donc avec les professionnels de l’enfance à ce que ces résidentes de nos CHRS ne répercutent pas leurs propres carences éducatives et évoluent vers une posture de mère plus sereinement. Le CHRS Thuillier est un lieu dédié aux femmes et au travail sur la parentalité. L’Îlot y propose un accompagnement psychosocial primordial pour soulager des violences, présentes ou passées, qui ont encore des conséquences très actives. En 2021, ce Centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) a hébergé 46 femmes seules ou en couple, dont certaines avec enfants.
L’Îlot s’est donné pour objectif d’accueillir ces prochaines années plus de femmes ayant connu la prison. Une ambition qui entraine la rénovation de l’Îlot Val-de-Marne au printemps 2022. L’accompagnement à la parentalité sera aussi développé dans ce nouveau CHRS, qui rassemblera à partir du mois prochain dans le coeur de la ville de Fontenay-sous-Bois les maisons d’accueil de Villiers-sur-Marne et de Vincennes. Un accord en cours de construction avec la Direction régionale et interdépartementale de l’hébergement et du logement (DRIHL) devrait permettre à notre CHRS de recevoir jusqu’à 50% de femmes sortant de prison ou encore sous main de justice. Aussi, notre nouveau centre concentrera son accompagnement sur celui des femmes seules avec enfant de plus de 3 ans. Pour accentuer cette reprise de responsabilités parentales, il proposera également des studios équipés d’une kitchenette et de sanitaires, encourageant ainsi le retour à une vie « plus familiale » et autonome.
Si les femmes qui ont connu la prison rencontrent les mêmes difficultés que les hommes, leur stigmatisation et leur réinsertion dans la société ou leur entourage, sont plus complexes. A l’Îlot, on aide ces femmes à se reconstruire, à retisser le lien familial distendu, à se projeter à nouveau dans l’avenir. Nous croyons en leur capacité de résilience, et sommes là, à leurs côtés.