05/08/2024

L'injonction de soins

L’injonction de soins est un dispositif judiciaire récent - 17 juin 1998 - qui permet d'imposer des soins médicaux et/ou psychologiques à certaines personnes condamnées. Ce dispositif vise à répondre aux besoins de la justice et de la santé publique face à divers problèmes de société, comme la toxicomanie et les violences sexuelles.

Qu'est-ce que l'injonction de soins ?

L’injonction de soins est ordonnée par un juge dans le cadre d’une procédure judiciaire. Elle oblige une personne ayant commis des crimes ou délits à suivre un traitement médical ou psychologique destiné à améliorer sa santé mentale ou ses addictions. Comme l’obligation de soins, l’injonction de soins a pour but d’éviter la récidive, d’éradiquer la potentielle dangerosité des personnes qui y sont condamnées et donc de favoriser la sécurité des concitoyens.

Les situations où l’injonction de soins est ordonnée sont : le suivi socio-judiciaire, la contrainte pénale, le sursis avec mise à l’épreuve, la surveillance judiciaire, la surveillance de sûreté et la libération conditionnelle.

Le suivi socio-judiciaire est une mesure judiciaire qui impose à une personne condamnée de se soumettre à des obligations de surveillance et d’assistance. En plus de de suivre un traitement médical ou psychologique, cette mesure implique de se présenter régulièrement devant un juge ou un Conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation (CPIP) et de ne pas entrer en contact avec certaines personnes ou ne pas se rendre dans certains lieux. « Le suivi socio-judiciaire est souvent appliqué dans les cas d’infractions sexuelles ou violentes. La durée de cette mesure varie en fonction de la gravité de l’infraction et peut aller jusqu’à 20 ans, voire plus dans certains cas. » (1)

La contrainte pénale a été abrogée depuis la loi du 23 mars 2019 de programmation 2018-2022 et de réforme pour la Justice. Cette mesure qui avait été instaurée par la loi relative à l'individualisation des peines et à l'efficacité des sanctions pénales de 2014 consistait en « l'obligation de se soumettre, sous le contrôle du juge de l'application des peines, pendant une durée comprise entre six mois et cinq ans, à des mesures de contrôle et d'assistance ainsi qu'à des obligations et interdictions particulières destinées à prévenir la récidive en favorisant son insertion ou sa réinsertion au sein de la société.» (2) Pour les personnes condamnées à une contrainte pénale avant l’abrogation de ce type de peine, elles devront se soumettre à cette mesure jusqu’à totale exécution.

Le sursis avec mise à l’épreuve (SME), est une mesure judiciaire qui permet à une personne condamnée de ne pas exécuter immédiatement sa peine d’emprisonnement ferme. La peine est suspendue sous réserve de respecter des règles strictes pendant une période déterminée. Cette durée de la mise à l’épreuve est fixée par le tribunal. La personne condamnée doit se présenter régulièrement à un Conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation (CPIP), suivre un traitement médical, et ne pas entrer en contact avec certaines personnes. Si ces conditions sont respectées la peine de prison ferme peut être annulée, dans le cas contraire la peine de prison peut être réactivée.

La surveillance judiciaire est prononcée par le tribunal de l’application des peines pour une personne condamnée à une peine privative de liberté d’une durée égale ou supérieure à sept ans pour un crime ou un délit. Cette peine impose des obligations spécifiques à la personne condamnée, comme l’injonction de soins ou l’assignation à domicile.

La surveillance de sûreté est une mesure judiciaire appliquée à un détenu qui a fini de purger une peine criminelle mais qui présente un risque élevé de récidive. Le juge prend en compte la gravité du crime, la personnalité du condamné et l’importance de sa peine pour décider de cette surveillance qui a pour but de juguler la dangerosité potentielle de l’individu concerné.

La libération conditionnelle est une mesure d’aménagement de peine qui permet à un détenu, qui a démontré des efforts sérieux et une volonté de réinsertion, de sortir de prison avant la fin de sa peine, sous certaines conditions parmi lesquelles répondre aux convocations judiciaires, se soumettre à une injonction de soins, informer de tout changement d’adresse, et éviter certains lieux ou personnes.

Quel que soit la mesure judiciaire qui est assortie d’une injonction de soins, le non-respect de ses conditions peut entraîner une réincarcération.

Quelles différences entre l'injonction de soins et l'obligation de soins ?

Bien que similaires dans leur objectif de fournir un suivi médical ou psychologique, l'injonction de soins et l'obligation de soins diffèrent sur plusieurs points :

Injonction de soins

  • cadre légal : instaurée par la loi du 17 juin 1998 relative au suivi socio-judiciaire ;
  • conditions : nécessite une expertise médicale préalable ;
  • application : utilisée dans le suivi socio-judiciaire, la contrainte pénale, le sursis avec mise à l’épreuve, la surveillance judiciaire ou de sûreté, et la libération conditionnelle ;
  • objectif : améliorer la santé mentale, les problèmes d’addiction et réduire le risque de récidive.

Obligation de soins

  • cadre légal : prévue par l’article 132-45 du code pénal ;
  • conditions : ne nécessite pas d’expertise médicale préalable ;
  • application : ordonnée dans le cadre d’un contrôle judiciaire, d’un sursis avec mise à l’épreuve, d’un ajournement de peine, ou d’un sursis avec obligation d’accomplir un travail d’intérêt général ;
  • objectif : assurer un suivi médical ou psychologique régulier, souvent en lien avec des troubles psychiques ou neuropsychiques.

Qui peut faire l'objet d'une injonction de soins ?

Les personnes condamnées à une injonction de soins ont commis les crimes et délits suivants :

  • infractions à caractère sexuel sur majeurs comme sur mineurs, viol, agression sexuelle, pédocriminalité ;
  • violences conjugales ;
  • violences aggravées ;
  • atteintes à la vie, meurtre (homicide volontaire mais non prémédité), assassinat (homicide volontaire, mais avec préméditation) ;
  • actes de terrorisme ou participation à des activités terroristes ;
  • tortures, actes de barbarie, destructions par moyens dangereux.

Ces personnes représentent un danger pour autrui que seule l’incarcération ne saurait résoudre. L’injonction de soins joue donc un rôle capital dans la prévention de récidives d’actes graves et la sécurisation de la société.

Comment se passe une injonction de soins ?

L’injonction de soins est une mesure qui réunit de nombreuses compétences et implique la collaboration entre les autorités judiciaires et les professionnels de la santé.

L’injonction de soins est une décision judiciaire prononcée par le juge d’application des peines (JAP) ou une autre juridiction compétente, en se fondant sur une expertise médicale ordonnée pendant le cours de l’instruction. L’ordonnance de la peine est assortie de la désignation d’un médecin coordonnateur. Ce médecin joue un rôle central, il supervise le suivi médical de la personne concernée, oriente vers les soins appropriés, et fait aussi le lien avec les autorités judiciaires. Il élabore également - avec d'autres professionnels de la santé - un programme de consultations et de thérapies adaptées aux problématiques de la personne condamnée. Celle-ci doit se soumettre aux soins prescrits et rencontrer régulièrement le médecin coordonnateur qui évaluer et informe le juge d’application des peines de l’avancement du traitement et du respect de l’injonction de soins.

En 2023, le Centre d’hébergement et de réinsertion sociale les Augustins de l’Îlot accueillait et accompagnait 6 personnes avec une injonction de soins en addictologie et 13 avec une injonction de soins psychologiques, ainsi que 19 avec une obligation de soins en addictologie, 10 avec une obligation de soins psychologiques. Parmi ces personnes, 7 d’entre elles avaient une double injonction de soins (psychologiques et en addictologie) ou une double obligation de soins. L’augmentation du nombre de ces personnes adressées au CHRS les Augustins montre que la compétence et le professionnalisme des équipes de l’établissement pour accompagner ces profils sont reconnus par les Conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP) et les Juges d’application des peines (JAP).

(1) www.village-justice.com
(2) Article 131-4-1 du code pénal

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