Quel taux de récidive en France pour les personnes sortant de prison ?
Le dernier calcul du taux de récidive en France effectué et présenté par le ministère de la Justice a été réalisé en 2016 et réactualisé en mars 2023. On peut y lire « Les femmes commettent moins souvent une nouvelle infraction que les hommes dans l’année suivant la sortie de prison (18,3 % contre 33,5 % pour les hommes). […] La récidive est d’autant plus fréquente que les personnes détenues étaient jeunes au moment de leur incarcération. En effet, dans l’année suivant la libération, on compte deux fois moins de récidivistes lorsque les personnes détenues ont été incarcérées entre 45 et 54 ans (20 %) que lorsqu’elles avaient entre 18 et 24 ans à la mise sous écrou (45 %). Cette plus forte propension à la récidive, décroissante avec l’âge, s'observe quelle que soit la durée écoulée depuis la sortie de prison. L'écart, en différence de pourcentage, tend à se creuser à 2 ans, les proportions de récidivistes passant respectivement à 29,6 % pour les 45 - 54 ans et à 58,6 % pour les 18 - 24 ans. »
« Parmi les sortants de prison de 2016, 32,9 % ont commis une nouvelle infraction dans l’année suivant leur libération, sanctionnée par une condamnation enregistrée au casier judiciaire national. Cette proportion est de 45,4 % dans les 24 mois suivant la libération pour les détenus sortis en 2016. » (1) L’étude « La réinsertion des personnes détenues : l’affaire de tous et de toutes », réalisée par le CESE en 2019, indique que 63 % des personnes incarcérées, libérées en sortie sèche (c’est-à-dire sans accompagnement) récidivent dans les 5 ans.
L’importance de la durée d’observation
Selon la période d’observation des parcours des personnes condamnées à une peine de prison ferme, le taux de récidive évolue grandement. Dans l’étude de 2013 « Mesurer la récidive » du ministère de la Justice, les auteurs constatent une progression des taux de récidive selon le nombre d’années pris en compte. « Plus le délai d’observation s’allonge, plus seront prises en compte des récidives intervenues longtemps après la condamnation initiale. (…) L’allongement du délai d’observation semble surtout pertinent pour les infractions sanctionnées par des peines d’emprisonnement de longue durée, les condamnés étant dans ce cas empêchés de récidiver durant la durée de leur enfermement. »
C’est ainsi que sur un an, le taux de récidive est de 31%, chiffre élevé, même si dans les esprits ce chiffre peut paraître modeste, comparé au taux de récidive de 63 % qui est plus souvent cité dans les médias et concerne les études où la cohorte est suivie sur une durée d’au moins 5 ans. Sans l’indication de la durée de l’observation le taux de récidive annoncé est dénué de sens.
Comprendre le taux de récidive : des variables à prendre en compte
Le calcul du taux de récidive
Pour comprendre un taux de récidive, il est essentiel de spécifier les paramètres pris en compte dans le calcul de ce dernier. Ce qui sera considéré comme une récidive dépend de la première infraction commise. Il existe trois types principaux de récidive légale.
La récidive légale générale et permanente (article 132-8 du code pénal)
Cette règle s’applique sans limite de temps. Si quelqu’un a été condamné pour un crime grave ou un délit très sérieux (passible de 10 ans de d’emprisonnement) et qu’il commet ensuite un nouveau crime, cette personne est considérée comme récidiviste, peu importe combien de temps s’est écoulé entre les deux infractions.
La récidive légale générale et temporaire (article 132-9 du code pénal)
Cette règle fonctionne sur une période limitée dans le temps. Si une personne a été condamnée pour un crime ou un délit grave, et qu’elle commet un nouveau délit grave dans un délai de 5 à 10 ans après sa première condamnation, elle sera aussi considérée comme récidiviste.
La récidive légale spéciale et temporaire (article 132-10 du code pénal)
Ce cas concerne ceux qui refont exactement le même type d’infraction. Si quelqu’un a été condamné pour un délit précis (par exemple un vol) et qu’il commet à nouveau le même délit ou un délit similaire dans un délai de moins de 5 ans après sa première peine, cette personne sera également jugée comme récidiviste.
Les peines sont alors d’autant plus sévères que les récidives sont des circonstances aggravantes.
Les facteurs qui favorisent la récidive
Plusieurs facteurs vont influer sur les raisons de la récidive. Comme vu dans « Mesurer et comprendre les déterminants de la récidive des sortants de prison » Infostat Justice n°183, le taux de récidive est différent selon l’âge et le sexe de la personne condamnée, mais il y a aussi d’autres facteurs.
La nature de l’infraction
La récidive est plus élevée dans les cas d’atteinte aux biens et de trafic de stupéfiants que pour les crimes, notamment les atteintes sexuelles.
Les antécédents judiciaires
La récidive est d’autant plus fréquente qu’il y a nombre de condamnations antérieures à la détention.
La gravité de l’infraction
Les condamnés à une peine correctionnelle récidivent davantage que les condamnés à une peine criminelle.
Le type de libération
Les personnes qui bénéficient d’aménagements de peine, les libérés conditionnels, récidivent moins que les condamnés sortis en fin de peine d’incarcération.
Les variables sociales
Ceux qui sont mariés récidivent moins que ceux qui ne le sont pas, et ceux qui n’ont pas déclaré de profession récidivent davantage que les autres.
Le type de sanction
Les condamnés à la prison récidivent davantage que les condamnés à des sanctions non carcérales. D’où l’importance des peines alternatives à l’incarcération quand cela est possible.
Le portrait-robot du récidiviste
L’étude de juillet 2021 (2) brosse le même portrait du récidiviste que les études précédentes. Ainsi, le fait d’être un homme, très jeune, sans emploi, de ne pas être marié et d’avoir déjà été condamné sont autant de facteurs qui augmentent le risque de récidive, parfois de façon spectaculaire.
Le prisme de la loi : quel impact sur le taux de récidive ?
Comme nous l’avons vu, selon les groupes de personnes étudiées, le taux de récidive oscille grandement. Par ailleurs, la politique pénale est elle-même source de variation importante dans le calcul du taux de récidive. En effet, selon l’évolution des lois, une diminution ou une augmentation de la récidive peut être mesurée comme le souligne Fabrice Leturq (3). Ainsi avec la création des peines planchers en 2007, on constate une augmentation de la récidive. Pour l’Observatoire de la récidive et de la désistance « l’injonction constante faite aux parquets depuis 20 ans de donner une réponse pénale à tous les délits poursuivables et d’assurer une gradation de cette réponse en cas de récidive ou de réitération conduit à prononcer des condamnations là où il y a 30 ans se succédaient des classements sans suite. »
Les facteurs de non récidive
Nous rejoignons le rapport de l’Observatoire de la récidive et de la désistance (4), pour qui « parler d’un taux de récidive unique, global ne signifie pas grand-chose si l’on veut analyser ce qui conduit les individus à récidiver. Chaque récidive pouvant avoir des causes et des significations très différentes, il faut chercher à la comprendre à la fois dans sa pluralité et sa singularité ».
C’est pourquoi lorsque nous accompagnons des personnes sortant de prison dans nos centres d’hébergement et nos ateliers d’insertion, les travailleurs sociaux prennent en compte le parcours de vie de la personne sans prédire de sa capacité à sortir de la délinquance.
Nous savons, par expérience, que sortir de la récidive repose sur des événements sur lesquels nous n’avons pas toujours prise : une rencontre amoureuse, un déclic à la suite de la remarque d’un proche ou d’un étranger, un stage en entreprise où la personne a eu le sentiment de trouver enfin sa place, etc. C’est parfois un processus long qui peut être ponctué de rechutes, mais notre accompagnement intègre ces aléas.
A contrario un emploi stable, une santé recouvrée, une situation administrative en règle, une ouverture vers le monde, la rencontre de personnes différentes, sont autant d’éléments qui permettent de ne plus récidiver et sur lesquels nous pouvons travailler dans nos structures avec l’aide de nos partenaires.
Cette étude a l’intérêt de relancer le débat sur la récidive. Chacun souhaite voir ce taux de récidive diminuer et il est aujourd’hui nécessaire de lancer des études de grande ampleur sur les facteurs favorisant la désistance. Pourquoi et comment une personne arrête de récidiver ? Quel suivi opérer auprès de la personne sortant de prison pour éviter la réitération d’actes délictueux ? Autant de questions qui permettront d’orienter les grandes évolutions des politiques pénales de demain.
(1) « Mesurer et comprendre les déterminants de la récidive des sortants de prison » Infostat Justice n°183, juillet 2021, www.justice.gouv.fr http://www.justice.gouv.fr/art_pix/stat_Infostat_183.pdf
(2) « Les risques de récidive des sortants de prison. » Une nouvelle évaluation, Annie Kensey, Abdelmalik Benaouda1 (DAP/PMJ5) 2011
(3) Leturcq F., « Peines planchers : application et impact de la loi du 10 août 2007 », Infostat Justice, n°118, Octobre 2012
(4) Rapport annuel de l’Observatoire de la récidive et de la désistance, 2017 (mis à jour le 31 mai 2023) (http://www.justice.gouv.fr/art_pix/rapport_ord_def_2017.pdf )