Le prisme de la loi
Comme nous l’avons vu, selon les groupes de personnes étudiées, le taux de récidive oscille grandement. Par ailleurs, la politique pénale est elle-même source de variation importante dans le calcul du taux de récidive. En effet, selon l’évolution des lois, une diminution ou une augmentation de la récidive peut être mesurée comme le souligne Fabrice Leturq(4). Ainsi avec la création des peines planchers en 2007, on constate une augmentation de la récidive. Pour l’Observatoire de la récidive et de la désistance « l’injonction constante faite aux parquets depuis 20 ans de donner une réponse pénale à tous les délits poursuivables et d’assurer une gradation de cette réponse en cas de récidive ou de réitération conduit à prononcer des condamnations là où il y a 30 ans se succédaient des classements sans suite. »
Les facteurs de non récidive
Nous rejoignons le rapport de l’Observatoire de la récidive et de la désistance(5), pour qui « parler d’un taux de récidive unique, global ne signifie pas grand-chose si l’on veut analyser ce qui conduit les individus à récidiver. Chaque récidive pouvant avoir des causes et des significations très différentes, il faut chercher à la comprendre à la fois dans sa pluralité et sa singularité ».
C’est pourquoi lorsque nous accompagnons des personnes sortant de prison dans nos centres d’hébergement et nos ateliers d’insertion, les travailleurs sociaux prennent en compte le parcours de vie de la personne sans prédire de sa capacité à sortir de la délinquance.
Nous savons, par expérience, que sortir de la récidive repose sur des événements sur lesquels nous n’avons pas toujours prise : une rencontre amoureuse, un déclic suite à la remarque d’un proche ou d’un étranger, un stage en entreprise où la personne a eu le sentiment de trouver enfin sa place, etc. C’est parfois un processus long qui peut être ponctué de rechutes, mais notre accompagnement intègre ces aléas.
A contrario un emploi stable, une santé recouvrée, une situation administrative en règle, une ouverture vers le monde, la rencontre de personnes différentes, sont autant d’éléments qui permettent de ne plus récidiver et sur lesquels nous pouvons travailler dans nos structures avec l’aide de nos partenaires.
Cette étude a l’intérêt de relancer le débat sur la récidive. Chacun souhaite voir ce taux diminuer et il est aujourd’hui nécessaire de lancer des études de grande ampleur sur les facteurs favorisant la désistance. Pourquoi et comment une personne arrête de récidiver ? Quel suivi opérer auprès de la personne sortant de prison pour éviter la réitération d’actes délictueux ? Autant de questions qui permettront d’orienter les grandes évolutions des politiques pénales de demain.
1 « Mesurer et comprendre les déterminants de la récidive des sortants de prison » Infostat Justice n°183, juillet 2021 http://www.justice.gouv.fr/art_pix/stat_Infostat_183.pdf
2 Sans aménagement de peine
3 « Les risques de récidive des sortants de prison. » Une nouvelle évaluation, Annie Kensey, Abdelmalik Benaouda1 (DAP/PMJ5) 2011
4 Leturcq F., « Peines planchers : application et impact de la loi du 10 août 2007 », Infostat Justice, n°118, Octobre 2012
5 RAPPORT ANNUEL DE L’OBSERVATOIRE DE LA RECIDIVE ET DE LA DESISTANCE, 2017 (http://www.justice.gouv.fr/art_pix/rapport_ord_def_2017.pdf )