08/08/2024

Trouver un emploi avec un casier judiciaire : comment mettre toutes les chances de son côté ?

Les personnes sortant de prison rencontrent de nombreuses difficultés pour trouver un emploi, un des sésames pour se réinsérer dans la société. Parmi les raisons pour lesquelles ils n’arrivent pas à décrocher un contrat d’embauche : un niveau d’éducation assez faible, 10% sont illettrés, 90% ont un niveau inférieur au bac et près de la moitié n’ont aucun diplôme (1), un maigre parcours professionnel, voire aucune expérience et surtout elles possèdent désormais un casier judiciaire, véritable frein à l’embauche. Casier judiciaire et emploi sont en effet deux termes incompatibles dans l’imaginaire collectif.

Larry, qui avait été accompagné par l’Îlot, témoignait ainsi devant le Conseil économique, social et environnemental (CESE) de ses difficultés pour retrouver un emploi :
« L’association l’Îlot m’a permis de faire un stage à la mairie de Paris, qui a été suivi d'une proposition d'embauche dans la restauration à destination des personnes démunies et des personnes âgées. La veille de la signature du contrat, les services de la mairie ont finalement mis fin au contrat car j’avais un casier judiciaire. Gros choc. J'ai tout de suite retrouvé un emploi en CDD, toujours dans la restauration, dans une maison de retraite. J'y suis resté un mois et à l'issue de cette période d'essai ils m'ont proposé un CDI que j'ai accepté tout de suite parce que j'avais besoin de travailler. Malheureusement mon casier m'a été demandé, à nouveau j'ai été obligé d’abandonner cette opportunité de contrat à durée indéterminée. Et ça a été un gros choc à nouveau. Ça a été un facteur décourageant et face à cette situation j'étais tout seul, parce que quand on sort de prison après cinq ans et demi d'emprisonnement, il n’y a plus personne. On n'a plus d'amis, on n'a plus de familles, on n'a pas de sources de revenus … Il faut beaucoup de courage et beaucoup de force pour pouvoir y arriver. C'est alors que j'ai décidé de monter ma petite entreprise, toujours dans le secteur de la restauration, mais quand je suis allé voir ma banque, celle-ci a refusé de me faire un prêt. Toujours pour la même raison : mon casier judiciaire. J'ai relancé une nouvelle recherche d'emploi, il est important pour moi de travailler. C’est essentiel pour éviter la récidive. »

Qu'est-ce qu'un casier judiciaire ?

Le casier judiciaire est le relevé des décisions judiciaires et administratives prononcées contre une personne. Il est divisé en trois bulletins.

Bulletin numéro 1 (B1)

Le B1 est le bulletin le plus complet. Il contient toutes les condamnations, mesures et sanctions qui ont été prononcées contre une personne, y compris lorsqu'elle était mineure.
Le bulletin numéro 1 comprend notamment les éléments suivants :

  • condamnations pénales pour crime, délit ou contravention ;
  • condamnations prononcées pour les contraventions des 4 premières classes si la peine entraîne une interdiction, une déchéance ou une incapacité ;
  • décisions administratives et disciplinaires qui instaurent une interdiction ;
  • jugements prononçant la déchéance de l'autorité parentale ou le retrait de tout ou partie des droits qui y sont attachés ;
  • arrêtés d'expulsion du territoire, si la personne condamnée est étrangère ;
  • compositions pénales, c’est-à-dire mesure de compensation ou de réparation proposée par le procureur de la République à une personne qui reconnaît avoir commis un ou plusieurs délits, ou une ou plusieurs contraventions, afin de lui éviter un procès dont l'exécution a été constatée par le procureur de la République ;
  • amendes forfaitaires, somme à régler dans un délai précis à la suite de certaines infractions relatives notamment à la circulation routière et sans passage par un tribunal. Le montant peut être minoré ou majoré en fonction de la date de paiement.
  • pour les délits et pour les contraventions de la 5e classe, même si elles ont été payées ;
  • condamnations prononcées par une juridiction étrangère, exécutées en France, ou qui ont fait l'objet d'un avis aux autorités françaises. La mention figure sur le B1 uniquement si la France a signé un accord avec le pays dans lequel la condamnation a été prononcée ;
  • peines ou dispenses de peines, (par exemple, amende, peine de prison ferme ou avec sursis, privation de droits civiques) ;
  • décisions de libération conditionnelle.

Qui peut obtenir le B1 du casier judiciaire ?

Seuls les juges, le procureur de la République et l'Administration pénitentiaire peuvent obtenir le bulletin numéro 1 d’une personne. L'auteur de l'infraction ne peut pas obtenir une copie du B1 de son casier judiciaire mais peut le consulter après avoir adressé une demande au procureur de la République de sa résidence.

Bulletin numéro 2 (B2)

Le B2 comporte une partie des condamnations judiciaires et des sanctions administratives, car certaines condamnations ne figurent pas sur ce bulletin, à savoir :

  • décisions à l'encontre des mineurs, y compris celles prononcées par une juridiction étrangère ;
  • condamnations prononcées pour contraventions ;
  • condamnations assorties d'une dispense de peine ;
  • décisions prononçant le retrait de l'autorité parentale ;
  • condamnations avec sursis considérées comme non avenues, c’est à dire si la personne condamnée à une peine avec sursis n'a pas commis d'infraction pendant un certain temps, dit délai d'épreuve. (sauf si un suivi socio-judiciaire, une interdiction d'exercer une activité avec des mineurs, ou une peine d'inéligibilité a été prononcée pour une durée plus longue que celle de la peine) ;
  • arrêtés d'expulsion abrogés ;
  • compositions pénales.

Qui peut obtenir le B2 du casier judiciaire ?

Le bulletin numéro 2 du casier judiciaire peut être délivré aux autorités administratives, comme les mairies, préfectures, aux tribunaux de commerce, aux dirigeants de sociétés (publiques ou privées) dont les salariés exercent une activité culturelle, éducative ou sociale auprès des mineurs.
Comme pour le B1, la personne condamnée ne peut obtenir une copie de son bulletin numéro 2, mais peut le consulter.

Bulletin numéro 3 (B3)

Le B3 est celui qui contient le moins de mentions de condamnations. Il ne comporte que les condamnations les plus graves :

  • condamnations à peine une privative de liberté supérieures à 2 ans, lorsqu'elles ne sont pas assorties d'un sursis ;
  • condamnations à une peine privative de liberté inférieures à 2 ans, lorsqu'elles ne sont pas assorties d'un sursis si le tribunal a ordonné l'inscription de la condamnation sur ce bulletin ;
  • condamnations à des déchéances, interdictions ou incapacités qui ne sont pas assorties d'un sursis (par exemple, déchéance de l'autorité parentale, interdiction d'exercer une activité professionnelle) ;
  • mesures de suivi socio-judiciaire, telles que des obligations ou injonctions ;
  • sanctions disciplinaires prononcées par les juridictions militaires.

Qui peut obtenir le B3 du casier judiciaire ?

Contrairement aux bulletins B1 et B2, la personne concernée peut obtenir – gratuitement - une copie de son bulletin numéro 3 en adressant sa demande via le site internet du casier judiciaire national à l’adresse casier-judiciaire.justice.gouv.fr. en remplissant le formulaire dédié.

dans quels cas l'employeur peut-il demander un extrait de casier judiciaire ?

Un employeur ne peut pas adresser lui-même à l’Administration pénitentiaire une demande d’extrait du casier judiciaire d’un candidat à l’embauche, ou d’un salarié en poste. Il doit faire cette demande de bulletin B3 au cours du processus de recrutement, ou au salarié déjà en poste. Cette demande doit être justifiée, par le contexte et la nature du poste concerné, d’un intérêt légitime à demander des informations sur les antécédents judiciaires.

Des exceptions sont faites pour des professions réglementées, listées par décret (emplois de gardiennage et de sécurité tels que les agents de surveillance dans les transports en commun, les agents de police municipale ou des personnes de plateformes aéroportuaires). L’employeur peut alors demander au Préfet de réaliser une enquête administrative et de vérifier si le salarié figure dans le « STIC » (« Système de traitement des infractions constatées »), fichier géré par le ministère de l’Intérieur qui regroupe toutes les informations concernant des personnes mises en cause ou victimes d’infraction.

QUELS METIERS NE PEUT-ON PAS FAIRE LORSQU'ON A UN CASIER JUDICIAIRE ?

Certaines professions exigent d’avoir un casier judiciaire vierge. Cela concerne notamment :

  • dans la fonction publique, les métiers de la sécurité (police, gendarmerie, sapeurs-pompiers, armée) et ceux en contact avec des enfants (enseignants).
  • dans le secteur privé, les professions réglementées comme architecte, avocat, dentiste, médecin, pharmacien sont refusées si une mention est incompatible avec le métier envisagé. Les secteurs de la banque et de l’assurance, comme les métiers en petite enfance demandent également un casier judiciaire vierge. De même les entreprises de surveillance, gardiennage et transports de fonds doivent s’enquérir de l’honnêteté de leurs salariés et sont donc tenues de réclamer un extrait du casier judiciaire, le bulletin numéro 3 du candidat, avant toute embauche.

trouver un emploi avec un casier judiciaire : comment mettre toutes les chances de son côté

Un casier judiciaire est lourd à porter lorsqu’on cherche un emploi, l’idéal est de pouvoir en obtenir l’effacement, sinon il faut pouvoir bénéficier d’un accompagnement pour maximiser les chances d’une embauche.

Effacement du casier judiciaire

Il est possible de demander l’effacement des mentions de condamnation pour faciliter la réinsertion professionnelle.

La dispense d'inscription

Durant l’audience, avant l’annonce de la peine par le juge, la personne poursuivie peut demander une dispense d'inscription sur le casier judiciaire, que la condamnation ne soit pas inscrite sur les bulletins numéro 2 et 3 du casier judiciaire. Le juge prend sa décision en fonction des faits concernés et de la situation de la personne poursuivie. Si la demande est acceptée, aucune mention n'est inscrite sur les bulletins numéro 2 et 3 mais, elle figure sur le bulletin numéro 1 du casier judiciaire. Bulletin qui ne sera pas accessible à des employeurs mais le sera par l’Administration pénitentiaire.
Cette demande n’est pas recevable pour les graves infractions telles que le meurtre ou l'assassinat, le proxénétisme à l'égard d'un mineur, le recours à la prostitution d'un mineur, les agressions sexuelles ou le viol (sur un majeur ou sur un mineur).

La réhabilitation judiciaire

Une personne condamnée pour un crime, un délit ou une contravention peut solliciter une réhabilitation judiciaire. Celle-ci entraîne l'effacement des condamnations qui figurent aux bulletins numéro 2 et 3 du casier judiciaire. Pour l’obtenir la personne condamnée doit transmettre une requête motivée et argumentée au procureur de la République. L'auteur de l'infraction doit prouver qu'il a eu un comportement irréprochable depuis sa condamnation. S'il a été condamné à une amende, il doit obligatoirement justifier de son paiement. S'il a été condamné à régler des dommages et intérêts à la victime, il doit prouver le versement de cette somme. La requête doit aussi préciser la date de la condamnation et les lieux où le condamné a habité depuis sa libération.
Les délais pour solliciter une réhabilitation judiciaire varient en fonction de la peine prononcée contre l'auteur des faits :

  • 1 an à partir du jour où la condamnation est devenue définitive pour les peines contraventionnelles ;
  • 3 ans à partir de la libération définitive, ou de la libération conditionnelle, pour les peines correctionnelles ;
  • 5 ans à partir du moment où la sanction a été exécutée pour les peines criminelles.
    Si la juridiction accepte la demande, les mentions de condamnations sont effacées des bulletins numéro 2 et 3 mais restent présentes sur le bulletin numéro 1. Si la requête est rejetée, la personne condamnée peut faire une nouvelle demande après un délai de 2 ans.

Le retrait d'une mention de condamnation

Cette possibilité s’adresse aux personnes majeures de 18 à 21 ans. Une personne de cette tranche d’âge qui a exécuté sa peine de prison et les potentielles peines complémentaires qui ont été prononcées contre elle, ou qui justifie le paiement d’une peine d'amende, peut faire la demande du retrait d'une mention de condamnation sur le bulletin numéro 1 de son casier judiciaire. Pour cela, il doit transmettre une demande au président du tribunal qui l'a condamné ou de la chambre de l'instruction si la condamnation a été prononcée par une cour d'assises. Le jeune majeur peut faire une demande de retrait d'une mention de condamnation après un délai de 3 ans suivant sa condamnation et doit démontrer les évolutions positives de sa situation depuis le moment de l'infraction. Si la requête est acceptée, la condamnation est retirée du bulletin numéro 1 du casier judiciaire. C’est-à-dire que la condamnation n’apparaît plus du tout.

La réhabilitation légale

Au-delà d’un certain délai, les mentions de condamnations sont automatiquement effacées des bulletins numéro 2 et 3 du casier judiciaire.
Cette réhabilitation peut profiter à toute personne condamnée à une peine contraventionnelle, correctionnelle ou même criminelle, qui a été exécutée. La réhabilitation légale se fait automatiquement après un délai qui varie selon la peine prononcée sous réserve que la personne condamnée n’ait pas commis de nouvelle infraction criminelle ou délictuelle durant ces délais. De la même façon les mentions de condamnation figurant sur le bulletin numéro 1 sont aussi automatiquement effacées au bout d’un certain temps. Ainsi sont effacées :

  • les peines criminelles et délictuelles prononcées depuis plus de 40 ans, s’il n’y a pas eu de récidive ;
  • les peines de contravention prononcées depuis plus de 3 ans ;
  • les compositions pénales prononcées depuis plus de 3 ans, s’il n’y a pas eu de récidive ;
  • les déclarations de culpabilité avec dispense de peine.

Augmenter ses chances de trouver un emploi avec un casier judiciaire

En attendant l’éventualité d’un effacement de casier judiciaire, pour trouver un emploi les personnes sortant de prison ont besoin d’un accompagnement pour lever les freins qui bloquent leur insertion dans le monde l’emploi. Il leur est nécessaire d’analyser leurs faiblesses et leurs compétences, puis de les confronter à un projet professionnel réalisable qui correspond à leurs souhaits, d’effectuer une mise à niveau, une formation, de refaire leur CV, savoir rechercher les offres d’emploi, rédiger des lettres de motivation, se présenter à un entretien d’embauche, comprendre les codes de l’entreprise.

Les différents dispositifs de retour vers l’emploi de l’Îlot, permettent aux personnes sortant de prison de surmonter ces obstacles et de s’inscrire dans un parcours professionnel malgré leur casier judiciaire.

(1) www.oip.org, Contribution en vue de l’examen du cinquième rapport périodique de la France (74ème session), 28 août 2023

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