Formée à l’Ecole du Théâtre National de Chaillot par Saskia Cohen-Tanugi, Abbès Zahmani, Pierre Vial, elle interprète d’une quarantaine de rôles au sein de diverses compagnies nationales et joue en France et à l’étranger. Fin 2016, mue par le besoin de devenir créatrice de ses spectacles, elle fonde avec Jacques Grizeaud, la compagnie Les Attracteurs Etranges. Texte, musique, chants et corps tissent leurs spectacles.
sa compagnie
« Les Attracteurs Etranges se font l'écho des problématiques de notre époque en s'intéressant à des thématiques sociétales. Ils aiment que s'articulent artistique, politique et social. L'humain est au centre de leurs préoccupations. Ils interrogent l'incidence du système sur les individus. Ils nous invitent à changer notre représentation des invisibles, ces êtres à la marge, fragiles ou non-conformes, ces personnes si peu représentées sur les scènes de théâtre. Ils aiment raconter des "petites" histoires humaines qui entrent en résonance avec de "grands" sujets. » indique Marie Delmarès. Un positionnement en harmonie avec une de nos missions : faire changer le regard du grand public sur les sortants de prison, montrer l’humanité de chacun, ses fragilités et ses possibilités d’évoluer pour refaire société. « […] J'ai besoin d'être en prise avec le réel pour élaborer une fiction à partir de ce que j'ai observé et entendu. Je vais donc à la rencontre de personnes en lien avec mon sujet pour écouter, recueillir leurs paroles et les regarder travailler. »
Son projet « Et ton cuir pourrait fendre »
« La lecture de l'essai « Le coût de la virilité » de Lucile Peytavin m'apprend que 96 % des prisons sont remplies par des hommes. Je me demande : qui sont ces 4 % de femmes qui peuplent les prisons ? Quels gestes ont-elles bien pu commettre pour se retrouver incarcérées ? Ont-elles été plus violentes et radicales que les hommes ? Il apparaît que près de 100 % des femmes détenues ont vécu des violences intrafamiliales et, ou conjugales. Peut-on considérer que d’une certaine manière, leur violence est une réponse à la violence subie ? D’elles, on sait peu de choses. Nous avons peu de représentations de leur réalité. Quel regard portons-nous sur ces femmes condamnées à de moyennes ou longues peines ? Quelle réalité se cache derrière le mur des prisons, au-delà de nos préjugés, de nos fantasmes, des clichés ? Qui sont ces femmes qui sont enfermées ? Leur parcours de vie sont chaotiques, émaillés de violences. Une fois incarcérées, les femmes se retrouvent en rupture sociale, délaissées par leur famille et leurs conjoints. […] Comment se reconstruire et préparer leur réinsertion ? Quels récits d'elles-mêmes ces femmes peuvent-elles produire ? Quels sont leurs rêves, leurs désirs ? […] Je m'entretiens avec des ex-détenues. Je collecte leurs paroles de la matière pour appréhender la complexité du système qui nourrira ensuite l'écriture de la fiction. Et j'avoue, je suis surprise par la capacité de résilience des femmes que je rencontre. L'humain est au centre de mon travail. Je souhaite sensibiliser le grand public à la réalité de ces femmes. Femmes qui peuvent souffrir du désintérêt d'une partie de la société à leur égard, je souhaite leur redonner de la dignité, de la visibilité. »
C’est au CHRS Val-de-Marne que Marie Delmarès a rencontré certaines de nos bénéficiaires. A l’Îlot nous sommes particulièrement conscients des difficultés supplémentaires que rencontrent les femmes qui ont eu un passé carcéral. Nos différents dispositifs d’hébergement, de retour à l’emploi et de suivi de soins les accueillent et les accompagnent dans leur parcours de réinsertion. Nous sommes heureux que Marie Delmarès ait pu s’entretenir avec ces résidentes de notre association pour construire son projet artistique, car cette pièce portera leurs paroles, partagera leur parcours de réinsertion dans le respect de leur histoire.
- « Quand on est confrontée à soi-même dans 9m2, on est obligée de voir la réalité en face, de s’affronter soi-même. Il faut assumer. On ne peut plus se mentir. C’est facile de tomber dans des addictions. On peut aisément avoir de la drogue, des médicaments. J’ai fait le choix de dire « non ». Je suis contente et fière de m’être confrontée à ma part d’ombre. Sans me fuir. Je suis tellement mieux aujourd’hui dans ma vie malgré les années perdues. »
- « Quand vous sortez y’a beaucoup de pression, de contraintes. Je vis le regard braqué sur la montre. Faut pas que je me précipite et que je finisse en burnout. J’ai les capacités de faire et vite et bien et comme la pâtisserie c’est ce que j’aime, je vais y arriver. Je me suis battue pour ça. On m’a donné ma chance, c’est mieux que ce que j’avais imaginé. Dans un an, je serai au top. Je pourrais commencer ma carrière. Je suis fière de moi. Tout est possible. Rien n’est jamais trop tard. J’ai tellement de projet. Je vais y arriver. J’ai hâte. »
- « J’ai entrepris un travail pour comprendre comment j’ai pu en arriver là. Ça m’a aidé à tenir. Je voulais restée lucide. »
Touchés par le regard sensible et empathique de Marie Delmarès, nous sommes impatients de découvrir cette création théâtrale « Et ton cuir pourrait fendre » qui se jouera en 2026 du 13 au 17 janvier à Tarbes, théâtre Le Pari, le 23 janvier à Perpignan, au théâtre aux Croisements, et d’autres dates à définir à Toulouse, à l’Aigle, aux Termes d’Armagnac au festival « les moissons d’été », et autres …