Qui décide de la libération sous contrainte ?
C’est le juge de l'application des peines, JAP, qui va accorder – ou non – cet aménagement de peine de prison. La personne détenue doit, pour l’obtenir, remplir certaines conditions :
- Présence de garanties de réinsertion ;
- Pas de risque de récidive ;
- Condamnation à une peine de prison de moins de 5 ans ;
- Exécution de la peine aux 2/3.
Depuis janvier 2023, le juge de l’application des peines examine automatiquement et systématiquement la situation de toute personne détenue qui correspond à ces critères, et décide de la libérer sous la contrainte ou non. Ainsi, la personne détenue en établissement pénitentiaire n’a pas à faire la demande de libération sous contrainte.
Si c’est bien le juge de l'application des peines qui décide de la libération sous contrainte, il peut aussi ordonner la comparution du condamné devant la commission de l'application des peines avant de prendre sa décision. Cette commission est chargée de donner son avis au JAP et ainsi aider à la prise de décision qui « déterminera, parmi les mesures d'aménagement applicables, celle qui est la mieux adaptée à la situation du condamné. »(1) Toutefois il est possible de faire appel de la décision du juge de l'application des peines si la libération sous contrainte est refusée, refus qui doit être motivé.
Quelles sont les différentes formes de la libération sous contrainte ?
La liberté sous contrainte peut prendre différentes formes d’aménagement de peine :
- Liberté ou libération conditionnelle ;
- Semi-liberté, c’est-à-dire à l’extérieur en journée selon des horaires pré-définis, avec un retour le soir en prison ;
- Détention à domicile sous surveillance électronique, une mesure privative de liberté qui peut être prononcée directement par le tribunal correctionnel lors du jugement pour une peine inférieure ou égale à 6 mois ;
- Placement extérieur, un aménagement de peine ordonné par le juge d’application des peines.
Les différents aménagements de peine permettent un retour progressif à la liberté de la personne condamnée qui est ainsi accompagnée et encadrée.
Quels sont les bénéfices d’une libération sous contrainte ?
« Cette loi fait de la libération sous contrainte une étape normale du parcours d’exécution de la peine » indique Jessica Elizabeth, magistrate au ministère de la Justice. La libération sous contrainte, par la systémisation et l’automatisation de son fonctionnement, dispense les personnes détenues de faire la démarche de demander un aménagement de peine. Ainsi les sorties préparées, accompagnées, parce qu’anticipées, seront plus nombreuses. Cette mesure, en évitant les sorties sèches, fait partie de la stratégie de lutte contre la récidive voulue par Nicole Belloubet, alors ministre de la Justice.
Pour la réussite de cette mesure, il est indispensable que l’administration pénitentiaire puisse nouer des partenariats de qualité avec des associations qui œuvrent pour la réinsertion des personnes condamnées et qui sont en capacité de les recevoir. Comme l’Îlot qui a justement l’expertise et les dispositifs pour accueillir les différentes formes de libération sous contrainte au sein de ses Centres d’hébergement et de réinsertion sociale et ses chantiers d’insertion où les personnes sous main de justice sont accompagnées par nos travailleurs sociaux afin d’élaborer avec elles un projet individualisé dans le but de retrouver une place dans notre société.
Ces associations sont le relais essentiel pour accueillir les personnes sortant de prison, elles sont au cœur du dispositif de la loi de programmation de 2018-2022.
Aménagement de peine : quels changements avec la nouvelle loi de 2023 ?
La loi de 2023 a remplacé les Crédits de réduction de peine (CRP) et les Réductions de peine supplémentaires (RPS) par les réductions de peine. Les Crédits de réduction de peine étaient accordés automatiquement en fonction de la durée de la peine : 3 mois pour la première année complète d’emprisonnement et 2 mois pour les ans d’emprisonnement suivants. Les Réductions de peine supplémentaires étaient accordées par le Juge de l’application des peines (JAP) selon le comportement de la personne en détention. Les réductions de peine qui remplacent désormais les Crédits de réduction de peine et les Réductions de peine supplémentaires (RPS) permettent d’accorder jusqu’à 6 mois par année complète ou 14 jours par mois d’emprisonnement si l’année n’est pas complète. Ces réductions de peine ne sont plus automatiques, mais accordées par le JAP si la personne détenue a fait preuve d’un bon comportement en détention.
Le comportement d’une personne en détention est jugé bon ou mauvais à l’aune des critères suivants :
- le respect du règlement de la prison, c’est à dire le respect des horaires, des consignes de sécurité, et des règles de vie en communauté dans la prison ;
- l’implication de la personne détenue dans des programmes éducatifs, professionnels, ou thérapeutiques proposés par l’administration pénitentiaire ;
- des relations apaisées et respectueuses avec les autres détenus et le personnel pénitentiaire ;
- la participation à des activités de travail en prison qu’il s’agisse du régime du service général ou celui de la production ;
- l’absence d’incidents disciplinaires ;
- la volonté manifeste de se réinsérer.
La loi de 2023 a pour but d’accorder plus de flexibilité dans les aménagements de peine, tout en tenant compte du comportement des personnes détenues et de leur réinsertion.
Que faire si un aménagement de peine est refusé ?
Le Juge de l’application des peines (JAP) peut refuser d’aménager la peine. Parmi les motifs de refus d’aménagement de peine les plus courants figurent :
- le risque de trouble à l’ordre public ;
- le projet d’aménagement de peine souhaité par la personne détenue est imprécis ;
- les conditions matérielles ne sont pas réunies, par exemple l’absence d’un hébergement à la sortie peut motiver un refus.
Conformément à l’article 593 du code de procédure pénale, qui exige que tout jugement ou arrêt comporte les motifs propres à justifier la décision, le refus d’aménagement de peine doit être motivée par le Juge de l’application des peines, de façon précise et circonstanciée.
En cas de refus d’aménager la peine, le procureur de la République et la personne condamnée peuvent faire un recours devant la Chambre de l’application des peines.
Pour cela la personne condamnée, ou son avocat doit rédiger un recours contre la décision du Juge de l’application des peines qui doit être adressé au greffe de la juridiction qui a prononcé la condamnation. Ce recours doit faire mention des motifs pour lesquels la personne condamnée conteste la décision du Juge de l’application des peines et être accompagné d’une copie de cette dernière. Cette démarche doit être faite dans les trois semaines qui suivent la réception de la motivation du refus, sinon l’appel sera déclaré non avenu.
Après examen du recours, la personne condamnée reçoit une convocation devant la Chambre de l’application des peines pour justifier sa demande d’aménagement de peine. La Chambre peut confirmer les motifs de refus d’aménagement de peine - et il n’y pas d’autre recours possible – ou les infirmer et donner les modalités d’un aménagement de peine.
- PROJET DE LOI de programmation 2018-2022 et de réforme pour la justice, Enregistré à la Présidence du Sénat le 20 avril 2018