Qu’avez-vous ressenti au moment du départ, après tant de mois de préparation et d’investissement ?
Bertrand : Une énorme excitation ! Ce départ représentait plus d’un an de travail et de préparation. Mais il y avait aussi pas mal d’appréhension, car on a failli ne pas partir.
La veille, Pierre a remarqué un problème sur le moteur. Le lundi, jour du départ, a été passé chez le garagiste. Finalement, on a trouvé la panne à 17h30 et on est partis à 20h. C'était une attente interminable, et au moment du départ, on était surtout soulagés.
Pierre : Pour moi, c’était vraiment une grosse angoisse. Le lundi, on attendait encore des pièces obligatoires. Moi, je devais rester à la maison pour réceptionner un colis pendant que Bertrand et le garagiste démontaient le moteur de A à Z. En plus, partir à 20h nous a obligés à faire notre premier trajet (5 heures !) de nuit avec la 4L, ce qui n’était pas idéal.
Eugène : De notre côté, la préparation a été plus courte, mais très intense. Les deux semaines précédant le départ ont été non-stop, jour et nuit, pour tout finaliser. Quand on est enfin partis, c’était un soulagement : la 4L roulait !
Olympe : Il y avait beaucoup d’excitation. On savait qu’on aurait des soucis mécaniques sur le chemin. On savait que tout ne se passerait pas comme prévu, mais on était heureux et impatients de vivre cette expérience.
Quels étaient vos craintes vis-à-vis de ce raid et vos attentes ?
Eugène : C’étaient surtout des craintes mécaniques. Si certaines pièces lâchent, le raid est tout simplement fini, ou bien il faut débourser des centaines voire des milliers d'euros pour réparer, remplacer, ce qui n'était pas forcément possible. Après, on savait qu'il y avait près de mille 4L qui partaient, toutes les mêmes. Parmi les participants, certains sont très bons en mécanique, donc qu’on pouvait être aidés si besoin ce qui limitait les craintes.
Pierre : Notre crainte principale concernait un problème survenu avant même de commencer le rallye. Sur la route en Espagne la voiture faisait des sursauts dans les montées et perdait toute puissance. On écoutait attentivement le moteur dans les côtes pour savoir si on allait réussir à parvenir au sommet. Finalement, étonnamment, le désert s'est bien passé. On n'avait pas installé un voyant de température à l'intérieur de notre voiture. Du coup, notre seule solution était de mettre la main près du moteur pendant qu’on roulait pour évaluer la chaleur. Si on ne pouvait pas tenir plus de trois secondes, il fallait ralentir et s’arrêter. C'était assez « comique ».
Eugène : Lors de la préparation, on s’était renseignés sur le 4L Trophy et vu qu’il était préférable d’installer un voyant de température. On l’a donc ajouté. Une fois qu’on dépassait les 100-105°C, on savait qu'il fallait s’arrêter.
Quelles ont été les déconvenues et bonnes surprises du rallye ?
Olympe : Nous avons eu pas mal de déconvenues mécaniques. Presque tous les soirs, nous allions au PC mécanique, un espace avec deux gros camions remplis de matériel et une trentaine de voitures de mécaniciens. Mais comme il y avait souvent 200 voitures à réparer, il fallait faire la queue pour qu’un mécanicien puisse s'occuper de notre 4L. On passait donc 4-5 heures à identifier et réparer les problèmes plutôt que de s’amuser au bivouac, ce qui n'était pas toujours motivant après une longue journée. Au final on connaissait tous les mécaniciens et on a appris énormément sur la mécanique.
Eugène : Notre voiture était vraiment basse, et on n’avait pas pensé à la rehausser avant le départ. Résultat : on tapait constamment sur les pistes, qui sont très accidentées, avec beaucoup de cailloux. Les 10 derniers kilomètres ont été compliqués : la voiture s’arrêtait, calait, repartait par à-coups. On manquait de puissance et on ne savait jamais si l’accélération allait répondre. Mais bon, ça fait partie de l’aventure !
Pierre : Notre première déconvenue est arrivée avant même d'atteindre le Maroc. À un moment sur l'autoroute, Bertrand me dit : "Appuie pour tester la puissance." Je le fais, mais en relâchant, la pédale est restée bloquée au fond. En fait, le câble de l'accélérateur avait cassé. On s'est retrouvés en pleine côte sans pouvoir accélérer, obligés de pousser la voiture jusqu'à une sortie. Le pire, c'est que la bande d’arrêt d’urgence était réduite à cause de travaux. Heureusement, des amis ont réussi à nous rejoindre et nous aider. On a fait tout le rallye et le retour en France avec un câble rafistolé à l’aide de colliers de serrage et de scotch.
Bertrand : Pour moi, c’est quand mon coéquipier est tombé malade pendant une journée. Nous étions dans le désert, sur le campement de Merzouga. Le matin, tout allait bien, puis Pierre a commencé à se sentir mal. Et à partir de midi, c'était la catastrophe. Il a vomi tout ce qu'il avait mangé et a perdu toute son énergie.
Pierre : Je ne comprends toujours pas ce qui m'est arrivé. Impossible de parler ou de garder les yeux ouverts. Heureusement Bertrand a suivi d’autres équipages, et on est arrivés au PC médical. Les médecins ont d’abord dit que tout allait bien, mais je me sentais vraiment mal. Et le lendemain matin, comme par magie, j'étais en pleine forme, comme si rien ne s'était passé.
Si je peux rajouter un truc : le premier jour de piste, forcément, au début on était tous un peu arrogants, dès le premier virage, on a voulu tenter un raccourci. Une voiture devant nous s'était déjà ensablée, mais on s’est dit qu’on ferait mieux qu’eux. On s’est ensablés suivis par une dizaine de voitures prises au piège elles aussi. L’organisation a même fini par bloquer la zone pour éviter que d’autres ne se fassent piéger comme nous ! On a passé littéralement 1h30 à sortir les véhicules les uns après les autres. C’était une superbe expérience, car dès le premier jour, on a découvert l’entraide typique de ce raid.
Quel souvenir garderez-vous de cette aventure ? Est-ce que cela marque un tournant dans votre vie ?
Olympe : Nous, on gardera de très bons souvenirs à deux, car c'est rare de vivre une telle aventure avec son frère ou sa sœur. Cela restera gravé. On n'a pas encore totalement digéré l'expérience, donc c'est difficile de dire précisément ce qui nous marquera le plus. Mais la solidarité, les paysages et les rencontres en font partie.
Eugène : Ce qui nous a le plus impressionnés, c'est la collecte des dons pour les associations locales via Emploi du Désert. C'était le soir, à Merzouga, tout le monde venait déposer des fournitures et du matériel sur des tapis, formant une immense montagne de dons. Chacun avait apporté un ou deux cartons, et en voyant l'ensemble, on réalisait la force de l'action collective.
Bertrand : Ce que j’ai adoré, c’est l’ambiance. Il y avait une entraide incroyable. Ça a été un super projet à monter et à vivre. Ça nous a permis de rencontrer du monde, que ce soit l’Îlot qui nous a soutenus comme la visite des ateliers de carrosserie. Est-ce que c'est un tournant ? Je ne sais pas. Mais c’est vraiment une sacrée étape qui se termine, et j’ai beaucoup appris.
Pour moi, ce sont aussi les paysages qui resteront gravés, un soir où on était installés un peu en contrebas et on voyait toutes les 4L alignées sur une colline, avec en arrière-plan les montagnes enneigées du Maroc et un magnifique coucher de soleil. C’était sublime. Le lendemain matin, en repartant à 6h30, on a eu droit à un lever de soleil tout aussi magique.
Pierre : Avec Bertrand, on se connaît depuis plusieurs années, et on parlait de faire le 4L Trophy depuis longtemps. Le simple fait de s'inscrire, de recevoir notre numéro de dossard, c'était déjà un moment marquant. Mais le vrai choc, c'était ce lundi soir, dans la voiture, juste avant de partir. On s’est regardés et on s’est dit : "Bon, ben voilà, c’est parti." C’est une aventure dont on se souviendra toute notre vie. C'était une expérience magnifique.
Est-ce que vous ressentez un "4L blues" ?
Olympe : Je pense qu’il va arriver bientôt… Pour l’instant, on est encore dans la phase de reprise. On est crevés, on a passé une semaine sans douche, donc forcément, on récupère ! Mais je pense qu’une fois que tout ça sera derrière nous, la nostalgie va arriver. C’était un projet incroyable, et c’est clair qu’on va y repenser encore longtemps.
Eugène : Oui, et on en sort grandis. On a eu envie d’aider les gens, et on a rencontré des partenaires et des bénévoles très altruistes. Au Maroc, on a pu donner un coup de main et partager avec d’autres participants. Ça nous inspire et ça nous donne envie de rendre ce qu’on a reçu.
Est-ce que vous aimeriez participer à une prochaine édition du 4L Trophy, ou préférez-vous garder cette aventure unique ?
Olympe : Avec Eugène, on s’est posé la question. Dans deux ans, ce sera le 30e anniversaire du 4L Trophy, et beaucoup de participants parlent déjà d’y retourner.
Mais une grande partie du plaisir venait de la découverte : des paysages, de l’événement, de l’ambiance. On préfère peut-être garder cette première expérience intacte et découvrir d’autres aventures.
Pierre : On s’est posé la question, surtout parce qu’on s’est attachés à notre 4L ! Mais niveau études, c’était le dernier créneau possible. Après le diplôme, on entrera dans le monde du travail. On a adoré l’expérience, mais si on repart un jour, ce sera peut-être pour un autre type d’aventure.
Bertrand : Oui, je pense pareil. Si on le refaisait, on ne serait pas déçus, mais on n’aurait plus l’excitation de la première fois.
Qu’allez-vous faire de vos 4L maintenant ?
Eugène : D’abord, on va la réparer ! C’était sa première participation, et on est partis un peu dans l’inconnu. C’est un miracle qu’elle soit revenue, il y a pas mal de choses à remettre en état. Depuis le retour du Maroc, elle frôle le sol et penche complètement à droite… Donc la première étape, c’est la remettre en état. Il y a du travail. Ensuite, on verra si on la garde ou si on la revend.
Pierre : On n’a pas encore pris de décision. Nos études vont nous amener à voyager, et si on la garde, elle resterait au garage pendant au moins deux ans. Avec tout ce qu’on a vécu avec cette voiture, on aimerait qu’elle continue de rouler, donc peut-être qu’on la revendra à un autre participant du 4L Trophy ou à un particulier.
Elle n’a même pas encore atteint les 200 000 km, donc elle a encore de belles années devant elle avant d’être mise au garage.