24/03/2025

Chargés de missions emploi

Echanges avec Ariane et Franck, chargés de mission emploi pour les programmes d’accompagnement socio-professionnel en Île-de-France, un métier passionnant qui favorise la réinsertion des personnes accompagnées.

Pouvez-vous nous parler de votre parcours et de ce qui vous a motivé à devenir chargé(e) de mission emploi à l’Îlot ?

ARIANE : J’ai fait une école de commerce et je me suis orientée vers l'entrepreneuriat social. Cela peut sembler éloigné de la réinsertion socioprofessionnelle des détenus, mais à travers mon engagement personnel j’ai été sensibilisée à cette problématique. Chaque week-end, je participais à des maraudes, où j’ai rencontré de nombreux anciens détenus vivant à la rue. En discutant avec eux, j’ai découvert les difficultés qu’ils rencontraient pour se réinsérer professionnellement, en partie en raison de la complexité des démarches administratives.
C’est dans ce contexte que j’ai découvert l’Îlot et son approche globale. L’association combine plusieurs volets : l’hébergement, emploi et un accompagnement socioprofessionnel approfondi. Cette approche tripartite me semblait essentielle pour assurer une réinsertion réussie. Et lorsque l’opportunité s’est présentée de travailler pour l’Îlot, je n’ai pas hésité à m’engager.

FRANCK : De mon côté, mon parcours a commencé dans le recrutement. J’étais chargé de recrutement dans une chaine de fast food. Cette expérience m’a permis de mieux comprendre les problématiques de recherche d’emploi des personnes en difficulté.
Cependant, je me suis rapidement rendu compte que cet environnement ne me permettait pas d’accompagner les candidats de manière approfondie. J’ai donc décidé de me tourner vers l’insertion professionnelle. J’ai d’abord travaillé avec un public en recherche d’emploi, puis avec des personnes sous main de justice en détention.
Rejoindre l’Îlot a été une suite logique pour moi, car elle propose un accompagnement global et sur-mesure qui répond aux multiples besoins des personnes en réinsertion.

Comment se déroulent les ateliers et les rendez-vous individuels d’accompagnement ?

FRANCK : Hors les murs, avant d’accéder aux ateliers collectifs, chaque bénéficiaire passe par des rendez-vous individuels, cela nous permet d’identifier leurs besoins et de construire un programme d’accompagnement adapté.
Le programme dedans-dehors démarre dès la détention, composé d’entretiens individuels pour lever certains freins et préparer le projet professionnel à la sortie. Ensuite, les bénéficiaires participent à des ateliers collectifs, où l’on fait par exemple des simulations d’entretien d’embauche ou des séances pour faire découvrir les métiers en tension.
Le but est de rendre l’accompagnement plus progressif et efficace, et assurer une passerelle vers l’emploi à l’extérieur.

ARIANE : Les ateliers collectifs ne sont pas obligatoires en dehors des murs. À l’intérieur, comme à la Structure d’accompagnement à la sortie (SAS) de Noisy, les bénéficiaires ont un entretien individuel le matin et un atelier collectif obligatoire l’après-midi. Le programme dure six semaines et comprend six ateliers.
Hors des murs, l’accompagnement individuel reste obligatoire, mais les ateliers sont optionnels. Ceux qui souhaitent y participer peuvent venir librement. Nous proposons une diversité d’activités : sorties culturelles, ateliers autour des techniques de recherche

FRANCK : À la SAS, dans le programme accéléré, nous voyons généralement trois à quatre personnes le matin, avec des entretiens d’une heure chacun.
L’après-midi, nous animons des ateliers collectifs avec un groupe de 8 à 12 participants. A la maison d’arrêt, nous intervenons 2 fois par mois, pour une vingtaine de personnes détenues à l’année, sur des programmes plus longs, où nous travaillons en individuel et en collectif sur la remobilisation professionnelle. Nous accompagnons ces personnes, notamment sur des dossiers d’aménagement de peine en Détention à domicile sous surveillance électronique (DDSE) ou en Quartier de semi-liberté (QSL). Nous travaillons à lever les premiers freins avec les personnes détenues et les Conseillers pénitentiaires en insertion et probation (CPIP) via des autorisations de sortie : domiciliation, démarches administratives, information collective pour une formation, entretien d’embauche au sein d’une Structure pour l’insertion par l’activité économique (SIAE), etc.

Est-ce que les personnes que vous accompagnez remarquent les améliorations dans leur quotidien ?

FRANCK : Moi je dirais oui. Certains profils que j'ai accompagnés sont sortis tout dernièrement et mon contacter dès leur sortie, nous avons accentués les entretiens individuels, ils ont pour la plupart une sortie positive. C'est un encouragement car les parcours d’accompagnement dans les murs sont long... Parfois, au début de l’accompagnement, on est motivé, puis il faut les pousser, rester derrière eux, ne pas les lâcher pour qu’ils comprennent qu’ils sont à deux doigts de la sortie et qu’ils peuvent faire mieux. Il peut y avoir des difficultés au cours du parcours, mais l’accompagnement est là pour ça.

ARIANE : Il y a des gens qui vous sont adressés par les Conseillers pénitentiaires en insertion et probation (CPIP) et qui sont sur le point de sortir. L'idée, c'est qu'à la fin de la promotion, ils soient prêts à sortir normalement. La Structure d’accompagnement à la sortie (SAS) est destinée à des profils en fin de peine. Le but, c'est d'éviter une sortie sèche et la récidive, en leur permettant de sortir avec un projet d’emploi et donc de réinsertion.

FRANCK : J’ai un cas actuellement que je suivais depuis la maison d'arrêt de Villepinte. C’est un bénéficiaire avec un parcours complexe. Au début de l’accompagnement, il était très démotivé. C’était quelqu’un qui avait eu une longue peine, sans diplôme ni expérience professionnelle déclarée. À travers des entretiens individuels, on a élaboré un parcours en fonction de ses expériences passées, de ses expériences en détention, ce qui nous a permis de cibler plusieurs pistes professionnelles. Finalement, il s'est dirigé vers un poste d’employé libre-service en hypermarché.
Il a connu un moment difficile au moment de sa demande d’aménagement de peine : le procureur a fait appel, ce qui l’a totalement démotivé. C’était déjà une récidive, donc le procureur n’était pas d’accord pour une sortie aménagée. Il a fallu le rassurer et lui montrer que l’accompagnement continuerait malgré tout. Petit à petit, il a retrouvé de la motivation. De personne fatigué et désabusée, il est passé au sourire en venant aux entretiens. Il a obtenu son aménagement et est sorti via un programme d'accompagnement avec France Travail et l’Îlot.

ARIANE : L'idée, c'est de ne pas forcer les gens à rentrer dans une case. Il faut s’adapter, comprendre pourquoi une personne a du mal à entrer dans un dispositif et ajuster l'accompagnement pour que l’insertion soit un processus volontaire et non subi. Mais il y a aussi un cadre : si une personne ne vient pas à plusieurs rendez-vous sans explication, on ne va pas non plus courir après elle indéfiniment.
Parfois, on apprend après coup que la personne a perdu son téléphone, a été réincarcérée… Certains, quand ils retournent en détention, nous appellent eux-mêmes au parloir pour prévenir et dire qu'ils veulent continuer l’accompagnement à leur sortie. Ça montre qu’ils ont compris les bénéfices de cet accompagnement.
Bien sûr, ce n’est pas un miracle. On ne peut pas prévenir toute récidive. Il y a des éléments qu’on ne maîtrise pas, notamment les addictions, qui sont très fréquentes et compliquent la réinsertion. Mais l'objectif reste d’éviter au maximum les récidives.

Est-ce qu’il y a d’éventuels partenariats avec d'autres structures, comment se passent-ils ?

ARIANE : Il y a soit à la fois des partenaires qui sont des prescripteurs, comme les Services pénitentiaires d’insertion et probation (SPIP) en grande majorité, mais aussi la Mission locale, France Travail, les espaces parisiens d'insertion (EPI) ou les agences locales d'insertion (ALI). Ils nous orientent des publics sous main de justice qui ont besoin d’accompagnement spécifique pour se réinsérer. Nous développons aussi des partenariats où nous orientons des participants pour trouver du travail ou se soigner, etc. Ça peut être des Centre d'accueil et d'accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (CAARUD) et des Centres de soins, d'accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA) pour traiter tous les types d'addictions possibles, ou dans la santé et le bien-être, des réorientations vers Emmaüs Beauté, la Cravate Solidaire pour des tenues professionnelles, ou des partenaires liés aux démarches administratives comme la CPAM, la CAF, la domiciliation comme Paris Adresses.

Il y a des entreprises avec lesquelles vous travaillez, notamment des entreprises privées ayant un quota de personnes en insertion ?

ARIANE : Oui, je pense à une entreprise qu'on a visitée il y a deux mois, qui est une branche du groupe SEB, qui fait de la réparation et du reconditionnement d'électroménagers. C'est dans un programme de réinsertion, et ils emploient des personnes en CDDI (contrat d’insertion par l’activité économique). Ce sont eux qui viennent vers nous en disant qu'ils ont des postes à pourvoir. C'est à la fois nous qui envoyons les CV ou nos bénéficiaires, et eux qui nous disent qu'une place se libère pour tel ou tel poste. C'est un réseau très vertueux pour les gens accompagnés. Cela implique un gros travail en amont pour créer ces liens vertueux. Avec la responsable des programmes d’accompagnement socioprofessionnel, depuis plusieurs mois, on s’impose de rencontrer un partenaire par semaine, et c'est important pour faire connaître l'Îlot. Les places en IAE sont de plus en plus réduites alors que les besoins sont de plus en plus nombreux, notre lien avec les SIAE est primordiale pour la réussite des participants.

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