L’Îlot : Est-ce que vous pouvez nous faire une petite présentation de vous ?
Je m’appelle Audrey, je suis bénévole auprès de l’association depuis peu. De formation, je suis éducatrice spécialisée et professeure de yoga. Je me suis rapprochée de l’association justement pour faire du bénévolat.
Et que faites-vous en tant que bénévole aux Augustins ?
En tant que bénévole aux Augustins, je propose des temps de relaxation aux personnes hébergées, à hauteur d’une fois par semaine, tous les mardis soirs. C'est un temps qu’elles vont pouvoir prendre pour elles, durant lequel elles apprennent à respirer, à se calmer. Je leur fais faire des exercices de méditation, de visualisation, afin de les amener vers un état un peu plus détendu. Les personnes ont le choix de venir ou de ne pas venir, de s’abandonner un instant, sur le tapis, même si ce n’est pas toujours évident. J’avais à cœur, en tant qu’éducatrice, de proposer du yoga et de la relaxation, pour ce type de public qui n’en a pas forcément l’accès. Je pense qu’il est toujours intéressant de rendre accessibles de telles prestations à plus de monde, un public plus large, car je crois très fortement en leurs bienfaits.
Comment avez-vous connu l’Îlot ?
J’ai connu l’Îlot sur Internet. Je recherchais des associations afin de proposer du bénévolat. J’ai trouvé le site Internet, j’ai trouvé qu’il était bien fait. Le public m’intéressait vivement, de par mon expérience. J’ai proposé ma candidature par mail, on m’a recontactée. Cela s’est fait assez naturellement, j’ai rencontré l’équipe, le directeur. Nous avons discuté ensemble de la faisabilité du projet, de voir si c’était pertinent pour les résidents. Cela fait quelques mois que je suis maintenant bénévole pour l’association.
Pourquoi avez-vous décidé de faire du bénévolat pour l’Îlot ?
J’ai décidé de faire du bénévolat pour l’Îlot parce que je n’ai pas réussi à combiner mes deux professions. J’avais déjà essayé, en tant qu’éducatrice spécialisée, de proposer des ateliers de relaxation, de yoga, mais le quotidien prend très vite le dessus. On ne dispose que de très peu de temps pour proposer de tels ateliers aux personnes accompagnées. J’ai déménagé récemment et je me suis redemandé comment combiner mes deux professions, qui me tiennent à cœur, et rendre accessible les temps pour soi à des personnes mises à l’écart, accueillies par des associations ou vivant dans des conditions précaires, des personnes qui n’ont pas les moyens de s’accorder de telles prestations. Je me suis dit que le bénévolat était la seule solution. Faire venir un prestataire de l’extérieur requiert un certain budget, qui n’est pas forcément envisageable pour une association. Voilà, ma démarche était marquée par une profonde éthique, une envie de rendre accessible ce temps pour soi aux personnes.
Comment travaillez-vous avec les résidents ?
J’ai une approche très respectueuse de l’intimité, très respectueuse du retour que les personnes pourraient me faire. Je m’adapte aux personnes, à leurs attentes et surtout à leurs besoins. J’essaie d’être assez prudente car ce sont des personnes que je ne connais pas dans le quotidien, vu que je ne travaille pas ici. Je me fie ainsi beaucoup aux retours de l’équipe, afin de m’adapter. À chaque début de séance il y a un temps de parole, on échange. Je leur fais une proposition et je vois si celle-ci est accueillie de façon positive. Je les questionne un petit peu, puis on passe à la relaxation, à la méditation. On essaie de faire un petit retour ensemble, parfois sur le temps du trajet. Ils ont beaucoup d’idées, je me fie à eux aussi.
Quels sont les bienfaits de ces exercices sur les résidents ?
Je ne dispose pas beaucoup de recul sur ce que nous faisons, étant donné que mon temps est limité, et que je ne suis ici qu’une fois par semaine. De ce que j’ai pu entendre comme retours de l’équipe, c’est que, pour certains, cela leur faisait du bien de pouvoir prendre un temps de silence, loin de l’agitation, loin des ruminations que l’on peut avoir, loin également des problématiques propres à chacun. Pour certains, les exercices de respiration peuvent leur permettre de mieux gérer des moments de colère ou de débordement d’émotions. Les personnes sont dans des situations complexes, elles essayent de se réinsérer dans la société, elles apprennent à vivre. Dans le contexte actuel, je pense que c’est d’autant plus pertinent d’avoir des outils permettant d’être un peu plus calme, un peu plus doux avec soi. Je vois ça comme ça les exercices de respiration et de méditation, comme des outils afin de pouvoir gérer un quotidien parfois turbulent avec un petit peu plus de douceur. Si cela peut leur permettre d’être un peu plus apaisé, de disposer de ces outils-là, c’est déjà très bien.
Vous travaillez aussi avec des gens en lien avec la justice. Comment les exercices peuvent-ils les aider, dans leurs parcours, afin de se réinsérer ?
J’ai longtemps travaillé à la Protection Judiciaire de la Jeunesse, j’ai donc été en lien avec des mineurs qui sortaient de prison ou qui avaient des alternatives avant la prison. J’avais fait le constat que les exercices de respiration pouvaient les aider à passer des oraux, des entretiens, à devenir un petit peu plus à l’aise à l’oral. Ces jeunes-là, que j’ai beaucoup accompagnés, avaient une très faible estime d’eux-mêmes, une grande pression de la société et du regard des autres et beaucoup de préjugés. Ils avaient beaucoup de mal à s’insérer. Je fais le parallèle avec le public de l’Îlot, avec ces adultes qui peuvent, peut-être, subir le même type de pression. Je pense que le regard de l’autre est très complexe quand on sort de prison ou quand on a une vie qui sort des cases, de la norme.
Comment les résidents ont-ils accueilli cette proposition ?
Il me semble qu’ils l’ont plutôt bien accueillie. Certains étaient partant dès le départ, de leur plein gré, ils avaient déjà des petites notions de relaxation. D’autres ne connaissaient pas du tout et étaient assez réticents. Je ne voulais pas utiliser le terme de « yoga » pour l’atelier, parce que cela veut tout et rien dire. Le terme emporte aussi beaucoup de stéréotypes. Cela peut faire peur. Le terme de « relaxation », je me suis dit que cela pourrait mieux amener la démarche. L’équipe l’a très bien accueillie et surtout l’a bien expliquée aux résidents. Des groupes de quatre personnes viennent assez régulièrement et en font des retours positifs. Après, cela leur donne des outils qu’ils peuvent utiliser en-dehors, le but n’est pas qu’ils soient systématiquement présents aux ateliers.
Comment décririez-vous vos rapports avec les résidents des Augustins ?
Certains m’ont repérée et savent que je viens pour le temps de relaxation. Les relations sont très cordiales, très bienveillantes. Les personnes accueillies sont très accueillantes. Elles sont très ouvertes, ou plutôt ouverts, car ce sont tous des hommes. Ils sont très respectueux, ne jugent pas. Par exemple en studios, en villes, les personnes font preuve de beaucoup plus de réticences à ce sujet. Dans l’association, j’ai l’impression qu’il y a une plus grande confiance en l’autre, et c’est très appréciable.
Qu’est-ce qui vous procure le plus de plaisir dans votre travail de bénévole auprès de l’association ?
Je prends vraiment beaucoup de plaisir à échanger avec les personnes, à les écouter également. Les temps de parole avant et après la relaxation sont très précieux pour moi, parce que je ne les connais pas beaucoup, je ne suis ici qu’une heure et demie par semaine. Si une personne me dit que la séance lui a fait du bien ou qu’elle souhaite revenir, c’est la plus belle chose pour moi, cela me nourrit beaucoup.
Selon vous, quelles sont les qualités importantes pour être bénévole dans une structure comme l’Îlot ?
Je dirai d’abord qu’il faut savoir faire preuve d’empathie. Le non-jugement, également, est essentiel selon moi. Puis l’humilité, et ce, je pense, avec tous les publics, afin de les accompagner au mieux. Ce sont des personnes qui ont besoin d’être reconnues et d’être écoutées, sans jugement. Ce sont souvent des personnes qui ne rencontrent pas beaucoup d’autres personnes dénuées de jugement à leur encontre. Je pense que c’est essentiel, d’être à l’écoute.
Que diriez-vous à des personnes qui ont envie d’être bénévoles, mais qui sont un peu réticentes parce qu’il s’agit d’un public qui a eu affaire à la justice ?
Je leur dirai, déjà, que ce sont des personnes très touchantes qui, humainement parlant, sont d’une pureté et d’une spontanéité rares. Elles ont souvent un parcours de vie parfois très écorché, chaotique mais porteur de sens. Ce sont des gens qui souhaitent s’en sortir, qui sont très ouverts à tout un tas de choses qui, justement, peuvent les aider à s’en sortir, à se réinsérer dans la société. On sent que ce sont des personnes qui veulent aller de l’avant, qui ne souhaitent pas rester dans le passé, qui ne veulent pas qu’on ait cette image d’elles, celle de la justice. Elles sont bien plus que ça, ce sont des personnes à part entière. Je considère que notre passé ne nous conditionne pas. Nous avons tous le droit d’aller de l’avant, le droit de se reformer, de trouver un travail qui nous comble, de retrouver un appartement. J’estime que ce sont toutes des personnes très courageuses, très ouvertes, preneuses de pleins de choses et je pense qu’il y aurait beaucoup d’autres possibilités de bénévolats.