Son équipe pluridisciplinaire est composée d’auxiliaire de vie sociale, d’assistants de service social, d’éducateurs spécialisés, d’agents d’accueil et de veilleur de nuit. Guy Louis-Thérèse en est le responsable depuis maintenant 9 ans.
Depuis le 1er novembre, La Passerelle a ouvert sa Halte de nuit pouvez-vous nous expliquer en quoi consiste ce dispositif ?
Pour la 3ème année consécutive, la Direction Départementale de la Cohésion Sociale (DDCS) a souhaité que la Passerelle ouvre une halte de nuit pour prendre en charge les personnes extrêmement marginalisées afin de les mettre à l’abri pendant la période hivernale. Ces personnes qui refusent d’être accueillies en hébergement d’urgence pour différentes raisons (par exemple par peur d’agressions pour les femmes ou certains hommes stigmatisés) ont besoin pour autant de se reposer dans un lieu sécurisé et chauffé. Nous proposons chaque nuit 10 places où une collation leur est offerte, ainsi qu’un accès aux douches et au lave linge.
La halte de nuit se veut également être un lieu de lien social en faveur d’un public fortement désocialisé (perte de repères, renoncement aux droits, addictions…). L’un des objectifs étant d’offrir aux personnes sans domicile fixe un espace où ils peuvent être en relation avec l’autre, salarié et usager.
Constatez-vous en ce début d’hiver des différences par rapport aux années précédentes ?
Le dispositif est maintenant bien rôdé, et une certaine routine s’est installée. Nous accueillons des personnes marginalisées que nous connaissons bien, ainsi que des demandeurs d’asile qui faute de places en Centre d’Accueil des Demandeurs d’Asile (CADA) sont orientés à La Passerelle.
La Passerelle est un centre d’hébergement d’urgence qui accueille principalement des personnes sans abri, et la mission de l’Îlot est d’accompagner, plus particulièrement, les personnes ayant connu la prison. Y a-t-il beaucoup de personnes sans domicile qui sont en lien avec la justice ?
La Passerelle a tissé des liens étroits avec le Service pénitentiaire d’Insertion et de Probation (SPIP) qui nous contacte régulièrement pour préparer les sorties des personnes en prison. Le SPIP nous envoie régulièrement des demandes formulées sous forme de fiches de liaison pour accueillir des personnes, qui, au sortir de la prison, se retrouveront sans solution d’hébergement. C’est lors de notre réunion hebdomadaire que nous étudions avec l’équipe les possibilités et conditions d’hébergement de ces personnes.
Outre l’hébergement de personnes sortant de prison, nous recevons aussi des personnes condamnées à effectuer un Travail d’Intérêt général (TIG) qui viennent effectuer leur peine dans nos locaux. Ce sont bien souvent des travaux de ménage ou d’entretien, mais on peut aussi selon les compétences de la personne et nos besoins, leur proposer d’autres travaux comme de l’animation ou du soutien informatique.
Quel accompagnement proposez-vous pour le public justice sans domicile fixe?
Bien souvent, une personne qui sort de prison a encore des obligations vis-à-vis de la Justice, qu’elle soit à la rue ou non. Notre rôle est d’accompagner les personnes dans le respect de ces obligations. Nous proposons par ailleurs un service de domiciliation qui peut être mis en place dès l’incarcération et permet à la personne d’entamer des démarches pour obtenir une carte d’identité ou d’autres documents administratifs indispensables pour entamer un processus de réinsertion. La domiciliation permet aussi aux personnes, une fois sorties de prison, de recevoir leur courrier à La Passerelle. Ainsi, quand nous voyons des lettres provenant de la Justice ou d’une structure de soins, nous en parlons avec la personne afin de l’aider à comprendre ce qu’on attend d’elle (présentation au commissariat, rendez-vous avec le SPIP milieu ouvert ou rendez-vous pour consulter un médecin spécialiste).
Il faut savoir que malgré une orientation du SPIP, les personnes détenues ne se présentent pas toujours à La Passerelle à leur sortie, soit parce qu’elles essayent de renouer des liens avec leur famille, soit parce qu’elles ont trouvé une solution temporaire. Il arrive souvent que ces personnes qui ont refusé de venir à La Passerelle, se retrouvent finalement chez nous, quelques semaines plus tard, cette fois-ci via le 115. En effet, sans accompagnement social, les risques sont plus grands d’être confronté à des difficultés leur du retour à la vie libre. Parfois se sont les retrouvailles tant espérés pendant l’incarcération qui ne se déroule pas comme attendu. Connaissant leur parcours, nous mettons alors immédiatement en place l’accompagnement proposé aux personnes sous main de Justice, même si c’est via le service du 115 et non les services du SPIP qu’elles sont arrivées à La Passerelle.
En 2016, nous avons signé une convention relative à l’hébergement des hommes auteurs de violences conjugales et intra-familiales avec la Préfecture et le Procureur de la République afin d’accueillir les hommes violents lorsqu’une éviction a été prononcée dans le cadre d’un contrôle judiciaire. Ainsi ce n’est plus à la femme victime et ses enfants de quitter le domicile conjugal mais à l’homme de partir. En partenariat avec l’association Yves Lefebvre qui réalise l’enquête sociale de l’auteur de violence, nous transmettons toute information utile à la Justice, notamment en cas de difficultés ou de départ de la personne.
Est-ce que La Passerelle reçoit des aides de l’Etat pour l’accompagnement social qu’elle délivre ?
Nous sommes financés par la DDCS pour l’hébergement d’urgence et la mise à l’abri, les deux missions sociales de notre établissement La Passerelle. Cependant, l’équipe de La Passerelle va beaucoup plus loin que la mise à l’abri car nous proposons un accompagnement socio-educatif aux personnes hébergées. En 2018, nous avons accueilli 666 personnes dont 268 en hébergement d’urgence. L’âge moyen des personnes reçues à la Passerelle est aussi le plus bas des établissements de l’Îlot avec 35 ans d’âge moyen. Beaucoup de jeunes qui sortent d’institutions de protection de l’enfance se retrouvent malheureusement à la rue, faute d’emploi et de solutions d’hébergement.
Nous portons par ailleurs une attention toute particulière aux personnes sous main de justice puisque c’est la mission première de l’Îlot, or cet accompagnement social n’est pas financé. C’est uniquement grâce à la générosité des donateurs de l’Îlot que nous pouvons aider les personnes ayant connu la prison à retrouver une place dans la société et ainsi lutter contre la récidive.