Ça peut paraître bizarre, mais à ma sortie j’étais complètement perdu. En prison, comme on regarde la télé, on croit qu’on reste en contact avec la vie au dehors. Mais c’est faux !
En 8 ans tout avait changé. Dans la rue tout était différent. Les gens allaient vite, j’avais peur de traverser, et surtout j’avais l’impression que tout le monde savait ce que j’avais fait, comme si c’était écrit sur mon front.
Le premier mois après ma libération a été très dur. J’avais peur de ne plus arriver à vivre comme avant. Pour moi, celui qui sort de prison sans rien, sans personne pour l’accueillir, sans adresse, c’est sûr, il est bon pour retourner en prison. Moi, j’avais l’Îlot. Je ne m’en serais pas sorti autrement.
La première chose que m’a donnée l’Îlot, c’est une adresse fixe. Une adresse, c’est la chose la plus importante quand on sort. Pour n’importe quelle démarche on vous la demande. Pour obtenir des aides, pour pouvoir se soigner, pour chercher du travail.
Et puis, plus qu’une adresse, ce que l’Îlot m’a donné c’est un accueil, un encadrement, de la chaleur humaine. J’avais une chambre à moi. Plus de surveillant. J’étais autonome, mais pas seul. Il y avait de la vie autour. Je mangeais avec les autres résidents. Il y avait toujours quelqu’un de l’Îlot avec qui parler si ça n’allait pas trop, pour m’encourager à tenir bon, à ne pas me laisser aller.
J’étais suivi par un éducateur qui m’a beaucoup aidé. Tous les deux on discutait beaucoup. C’est lui qui m’a orienté pour faire mes recherches d’emploi. Vous imaginez ce que ça peut donner, avec le chômage partout, de se remettre dans le circuit à presque 50 ans, après une interruption de 8 ans...
Ça m’a pris du temps pour trouver un travail. Plus d’une fois j’ai cru que je n’y arriverais jamais. J’ai fait des petits boulots, sans suite. Il m’a fallu un an pour trouver mon emploi actuel, au service de gestion d’une association. Ça me plaît.
Trouver un logement est aussi difficile que décrocher un travail. Mais grâce à l’Îlot, j’ai fini par trouver un studio dans mes moyens. J’ai aussi cherché à revoir mes anciens amis, mais beaucoup se détournaient ou ne donnaient pas suite. C’est de ce côté-là le plus dur : quand on a fait de la détention pendant une longue période, on le paye jusqu’à la fin.
Quand j’étais enfermé, je me sentais seul au milieu des autres. Et maintenant que je suis sorti, je me sens encore plus seul. Je n’arrive pas à nouer de nouvelles amitiés, parce qu’on ne construit rien sur un mensonge. Si je dis que j’ai fait de la prison, la personne aura peur, elle ne voudra pas s’engager avec moi. Si je mens, j’aurai honte de moi.
Je ne me raconte pas d’histoires, je sais que je serai toujours seul. Je dois l’accepter. Je repense souvent à ce qui s’est passé, à ceux à qui j’ai fait du mal... Maintenant, j’essaie de faire aussi bien que possible pour pouvoir continuer à me regarder dans la glace.
Et quand je sens que je flanche, je passe à l’Îlot. Ils me remontent le moral, j’ai encore besoin d’eux.
C’est important de témoigner. Je remercie l’Îlot d’aider des gens comme moi.