Quand ont débuté les permanences du CHRS Chemin Vert dans les établissements pénitentiaires d’Île-de-France ?
Véronique Castelain, responsable du CHRS Chemin Vert : Les rencontres ont débuté en 2019 à la prison de Fleury-Mérogis. Quatre à six personnes détenues rencontrées une fois tous les deux mois, soit 33 personnes dès la première année. Puis, nous sommes allés à Bois d’Arcy à deux reprises début 2020, avant que la COVID-19 perturbe notre programme. Enfin, nous avons commencé les visites à Fresnes en juillet dernier. À Fleury-Mérogis, les rencontres peuvent s’étaler sur une journée entière. À Fresnes et Bois d’Arcy, elles durent le temps d’une matinée avec trois à quatre personnes détenues reçues.
Qui en est à l’initiative ?
L’initiative émane d’un souhait partagé. Elle est née d’une rencontre avec la Référente hébergement logement de la maison d’arrêt de Fleury-Mérogis, soucieuse de favoriser la sortie dans de bonnes conditions des personnes détenues. De notre côté, elles répondent à l’orientation stratégique « dedans/dehors » mise en œuvre par l’association et dont l’enjeu est de préparer la réinsertion de la personne au plus tôt de l’exécution de sa peine.
Quel est l’objectif de ces permanences ?
L’objectif initial était de se rapprocher du milieu carcéral compte tenu du profil des personnes accueillies au CHRS Chemin Vert et d’affiner notre compréhension des besoins des personnes à la sortie de leur incarcération. Une connaissance renforcée de l’univers carcéral et du fonctionnement en prison était donc essentielle. L’objectif est aussi d’avoir une meilleure visibilité des Conseillers pénitentiaire en insertion et en probation (CPIP) au niveau de chacun de leur établissement. Les relations avec les CPIP se passent essentiellement au téléphone et il y a par ailleurs beaucoup de mouvement à leur niveau (contrats courts, changements d’affectation, etc.). Il est donc indispensable de créer des temps de rencontre in situ pour nouer un lien plus fort.
Et pour l’Administration pénitentiaire ?
Je pense que cela leur permet de centraliser l’action, d’avoir une vue d’ensemble sur les dossiers et d’assurer un suivi plus fin des personnes détenues. Les CPIP ont aussi le souci de rencontrer leurs partenaires, tout comme nous.
En quoi cet échange avec les CPIP est-il utile ?
Être au contact des CPIP permet à notre équipe de mieux travailler avec eux et de mieux prendre en charge les personnes dans notre CHRS Chemin Vert. En se rapprochant des CPIP en prison, nos travailleurs sociaux échangent des points de vue sur les personnes détenues. Ce n’est pas en 40 minutes de rencontre qu’on peut se faire une idée précise. Donc l’idée de pouvoir échanger avec les CPIP, c’est pouvoir mieux comprendre certains aspects de la personne, mieux comprendre ses besoins et ses attentes, prendre une décision qui sera mieux étayée. C’est tout au bénéfice de la personne et de son projet de réinsertion.
Comment se déroule le processus, de la rencontre jusqu’à l’accueil du nouveau résident ?
Le protocole de l’Administration pénitentiaire est très strict. L’accès à la détention et au parloir avocat, mais aussi la présence de la personne détenue : tout demande une logistique importante. C’est une mécanique très précise. On essaie de respecter scrupuleusement l’horaire et le temps de chaque entretien, pour installer un respect de la personne. En ce qui nous concerne, que l’on reçoive la personne en entretien de préadmission dans notre établissement ou qu’on fasse sa connaissance en prison, notre discours ne varie pas : nous lui expliquons clairement ce qu’est un CHRS et ses missions, ainsi que l’aide que nous pouvons lui apporter dans son projet de réinsertion. Nous insistons sur l’adhésion à l’accompagnement social, notamment le fait d’accepter de voir au moins une fois par semaine un travailleur social et partager avec lui des informations. Ce point est capital. Enfin, nous lui expliquons que le CHRS Chemin Vert est un lieu collectif avec ses règles et ses contraintes.
L’admission est-elle automatique ?
Non, pas du tout. Quand le CHRS valide l’entrée d’une personne, on envoie une attestation d’admission. Ensuite, la Commission d’application des peines et le Juge d’application des peines (JAP) statuent et prennent leur décision. Le premier niveau est que nous nous soyons d’accord pour accueillir la personne, c’est un socle indispensable, mais le résultat n’est pas automatique.
Quel premier bilan faites-vous de ces permanences ?
Ces rencontres sont symboliques de cet axe « dedans-dehors » que l’Îlot installe dans ses pratiques. C’est un fil qui relie le CHRS Chemin Vert à la prison, un lien qui existait déjà, mais que nous avons renforcé et matérialisé par ces temps de présence. Depuis, on s’aperçoit qu’on travaille mieux avec les CPIP, au service de la personne. C’est très enrichissant pour nous mais aussi pour la personne en détention. Ces rencontres ont du sens pour tout le monde. Pour les personnes détenues, pour les travailleurs sociaux mais aussi pour nos résidents, à qui nous expliquons notre démarche et qui la comprennent : cela crée encore plus de cohésion au sein de notre CHRS.