À leur sortie de détention, la plupart des femmes souffrent d’un profond isolement et ne disposent pas des mêmes chances que les hommes pour se réinsérer et retisser des liens avec leur famille : c’est tout le travail que mène l’équipe de notre CHRS Thuillier à Amiens, avec une attention particulière donnée à la parentalité. Nous avons souhaité donner la parole à deux d’entre elles.
Découvrez le témoignage de Francine, 50 ans et Aurore, 30 ans, accueillies au CHRS Thuillier après leur incarcération.
Comment avez-vous connu l’Îlot ?
Francine : J’ai été incarcérée à la maison d’arrêt de Beauvais, dans le quartier pour femmes. Là-bas, j’ai été aidée par ma conseillère en insertion professionnelle (CPIP) pour trouver un logement à ma sortie. Je viens du département de l’Aisne mais j’ai fait une demande pour être hébergée ailleurs car je voulais éviter les contacts avec mon ex-concubin. Suite à cette demande, Madame Stefanski, la responsable du CHRS Thuillier et Coralie, une éducatrice spécialisée, sont venues me rendre visite en prison. Après notre entretien, elles m’ont proposé de m’accueillir à l’Îlot. Je suis donc arrivée ici à ma sortie d’incarcération, il y a environ 8 mois.
Aurore : Je connaissais déjà l’Îlot parce que mes parents m’ont mise à la rue quand j’avais 18 ans. À cette époque, j’ai appelé le 115 à Amiens et je suis passée par plusieurs centres d’hébergement d’urgence dont celui de l’Îlot, la Passerelle. Ensuite, mon père est décédé et je suis retournée vivre chez ma mère. C’est à ce moment-là que j’ai rencontré le père de ma fille. Après je suis tombée dans la drogue et j’ai commencé à faire du trafic. C’est ce qui m’a conduit en prison. J’ai été incarcérée à la Maison d’arrêt de Beauvais. C’était très dur, je n’avais aucun soutien familial. Au bout de deux ans et demi, on m’a accordé une sortie avec un sursis probatoire de 36 mois et l’obligation d’être suivie par un CPIP. À ma sortie, en octobre 2020, j’ai été accueillie au CHRS Thuillier.
Comment vous sentez-vous depuis votre arrivée à l’Îlot ?
Francine : Depuis que je suis arrivée ici, je me sens mieux. En prison, ce n’était vraiment pas évident, on avait pas beaucoup de soins. Ici, je suis soutenue et puis je m’occupe, je dois bientôt commencer une formation aux Ateliers de l’Îlot en restauration.
Aurore : Il y a des hauts et des bas… Mais je commence à revoir ma fille une fois par mois, ce que je ne pouvais pas faire en prison. Je vais à l’association Le Mail tous les jours pour prendre mon traitement de méthadone — ça fera bientôt 3 ans que j’ai arrêté la drogue. J’ai aussi commencé une formation DVE (Dynamique vers l’emploi) pour découvrir des métiers.
Comment est-ce que l’Îlot vous accompagne dans vos démarches pour vous réinsérer ?
Francine : J’essaye de me débrouiller seule mais je suis aussi accompagnée par Coralie, une éducatrice spécialisée de l’Îlot. On se voit à peu près tous les 15 jours. Elle m’a surtout aidée à faire mon dossier pour avoir le droit au RSA et à renouveler ma CMU (Couverture maladie universelle). Elle m’a également aidée à trouver une formation en restauration collective aux Ateliers de l’Îlot.
Aurore : Je suis très autonome pour faire mes démarches. Quand j’ai besoin, je demande un rendez-vous avec mon éducateur, Corentin. Je peux aller le voir à l’accueil pour prendre rendez-vous. On essaye de faire un point tous les quinze jours.
Quels sont vos projets pour la suite ?
Francine : J’ai un petit garçon de 10 ans qui habite dans l’Aisne. Je voudrais déménager là-bas pour me rapprocher de lui. Je veux aussi retrouver un travail, idéalement dans la restauration. J’ai déjà mon CAP d’employée technique de restauration en collectivité et je vais bientôt me former à l’atelier restauration de l’Îlot. En prison, j’ai aussi passé le CACES* 1, 3 et 5 qui peut aussi m’aider à trouver un emploi.
Aurore : J’aimerais travailler en tant qu’auxiliaire de vie auprès des personnes âgées, j’ai déjà de l’expérience dans ce domaine. Après ma formation DVE (Dynamique vers l’emploi), j’envisage de faire un BEP qualifiant pour travailler auprès des personnes âgées. Pour ma recherche de logement, c’est un peu plus compliqué car depuis ma sortie d’incarcération, je suis sans ressources.
*Certificat d'aptitude à la conduite en sécurité