Carine est éducatrice spécialisée au CHRS Les Augustins depuis 26 ans, elle est également la référente sociale de deux résidents des logements IML de l’Îlot. Elle a accepté de répondre à quelques questions sur les spécificités du nouveau dispositif IML.
Témoignage de Carine, éducatrice spécialisée à l'Îlot
Pourriez-vous présenter brièvement le dispositif des logements IML ?
Depuis septembre, l’Îlot gère 14 places d’intermédiation locative (IML) à Amiens. Il s’agit de 4 studios et 8 T1, situés en centre-ville, à proximité du CHRS Les Augustins. Ce dispositif s’adresse à des hommes en phase de transition vers un logement autonome. L’intermédiation locative permet au résident d’occuper un logement sans en être locataire en titre mais d’y être accompagné pour le devenir.
Quel est l’intérêt de ce type d’hébergement ?
C’est de permettre à des personnes en situation d’exclusion et/ou de grande précarité, d’accéder à un logement indépendant. Et d’autre part, de travailler sur l’autonomisation de ces personnes afin qu’elles puissent disposer rapidement d’un logement en leur nom propre. Nous les mettons donc en situation de répondre aux obligations liées au maintien dans un logement : payer un loyer en temps et en heure, veiller à la propreté d’un logement, savoir utiliser une cuisine, respecter le voisinage, etc.
Comment identifiez-vous les personnes pouvant bénéficier des logements IML ?
Les personnes sont orientées via le SIAO*, sous certaines conditions : elles doivent disposer d’un numéro unique** de logement, d’un minimum de ressources mensuelles (équivalent au RSA) et d’un niveau d’autonomie suffisant : on doit percevoir chez elles, une capacité à se gérer seules. Au vu des informations fournies, nous décidons alors de les rencontrer pour un premier entretien dit « de préadmission ». Lors de cet échange, nous évaluons leur capacité d’autonomie et nous décidons de les accueillir ou non. En effet, accueillir une personne qui n’est pas prête à assumer son logement peut le mettre en échec dans son parcours de réinsertion. Il vaut mieux reporter une admission dans ce cas.
*Le Service intégré d'accueil et d'orientation (SIAO) a pour vocation de simplifier les démarches d’accès à l’hébergement et au logement.
**Le NUD (numéro unique départemental) ou NUR (numéro unique régional) est le numéro de demande de logement social. Il garantit l’inscription en tant que demandeur de logement social et certifie la date de cette demande.
Quel est votre rôle en tant qu’éducatrice spécialisée auprès des résidents de l’IML ?
Mon rôle est avant tout de préparer les résidents à devenir locataires en titre de leurs futurs logements. Pour cela, je leur rends visite régulièrement et je les accompagne pour surmonter les difficultés liées à leurs obligations de locataires. Je suis attentive à la gestion de leurs budgets, à l’entretien de leurs appartements, à la préparation de leurs repas, au paiement de leurs loyers, mais aussi à l’avancement de leurs projets professionnels. Ce sont autant d’indicateurs qui vont rassurer les bailleurs et permettre aux résidents d’accéder à un logement autonome.
Pouvez-vous nous parler de l’importance d’avoir un logement à soi ?
Les hommes que nous accueillons ont eu des parcours de vie difficiles. Certains sont passés par la prison, d’autres ont vécu à la rue, parfois les deux. Pour avoir une chance de se reconstruire, ils ont besoin d’un logement à eux. C’est la première étape pour vivre dignement et être capable de se projeter dans l’avenir. Avoir un domicile fixe est aussi un prérequis pour bon nombre de démarches administratives : pouvoir accueillir ses enfants, ouvrir un compte bancaire, trouver un emploi… L’accès au logement est donc une priorité dans le chemin qui mène à la réinsertion.
Témoignage de Mannfi, résident en IML à l'Îlot
Mannfi est l’un des premiers résidents de nos logements IML. Suite à un séjour à la maison d’arrêt d’Amiens et à un passage de vie à la rue, il a été orienté vers l’Îlot. Il nous a accueilli dans son appartement pour nous parler de son parcours et de ses projets après l’IML.
Depuis combien de temps résidez-vous dans cet appartement ?
Je suis arrivé le 09 septembre. Avant ça, j’ai vécu 17 ans avec une femme avec qui j’ai eu deux enfants. On s’est séparés. Je me suis retrouvé sans domicile, j’ai vécu quelques temps en squat. À un moment, je me suis dit « stop la galère, il faut avancer ». J’ai entendu parler du CHRS Les Augustins, j’ai fait les démarches pour obtenir un logement et ils m’ont accueilli.
Comment avez-vous connu l’Îlot ?
Grâce à Annie Bezot, ma conseillère en insertion professionnelle (CIP) à l’Îlot. Elle m’a d’abord aidé à trouver un emploi d’agent d’entretien aux Ateliers de l’Îlot. Suite à ça, elle m’a parlé du CHRS Les Augustins. Elle m’a dit de faire une demande auprès du SIAO. Je suis passé par là : appeler le 115, rencontrer une assistante sociale, faire les démarches... Par la suite, j’ai obtenu mon logement ici.
Qu’est-ce qui a changé pour vous depuis que vous habitez ici ?
Depuis mon arrivé ici, tout va mieux. J’ai un appartement indépendant, à quelques minutes à pied du CHRS Les Augustins. J’ai deux chambres, je peux donc recevoir mes enfants de temps en temps. C’est le plus important pour moi. À côté de ça, je suis suivi par le personnel de l’Îlot et je peux venir manger quand je veux au centre des Augustins.
Comment se passe votre accompagnement à l’Îlot ?
J’ai régulièrement des rendez-vous avec Carine, ma référente à l’Îlot. Ce sont des rendez-vous pour tout remettre en question, tout ce qui va bien et tout ce qui ne vas pas. On parle beaucoup de l’avenir, de mes projets. Elle insiste beaucoup là-dessus. Elle m’aide à m’en sortir et je sais que c’est possible. Je connais des gens qui sont passés par l’Îlot et qui ont réussi. Aujourd’hui, ils ont un logement, un CDI, ils sont autonomes à 100%. C’est ce que je veux aussi.
Quels sont vos projets pour la suite ?
Ma priorité, c’est de pouvoir accueillir mes enfants chez moi, dans mon propre logement. Mais pour ça, je dois aussi me concentrer sur mon avenir professionnel. Moi je suis menuisier à la base, depuis l’âge de 15 ans. Suite à mon incarcération, j’ai rebondi en tant qu’agent d’entretien. Mais j’ai toujours le projet d’ouvrir mon propre local avec des établis, dans lequel je ferai de la menuiserie, je réparerai des meubles, je pourrai aussi les décorer… Je suis en train de mettre de l’argent de côté pour ça. Mon contrat d’agent d’entretien se termine bientôt et j’ai déjà postulé pour un poste en menuiserie, le métier que j’aime vraiment. C’est reparti pour les échardes (rires) !
