09/01/2024

Vivre en famille dans un CHRS

Comment vit-on en famille dans un CHRS ? Nous avons rencontré Isabelle H. une résidente du CHRS Thuillier et avons discuté de ce sujet.

La rencontre était prévue avec seulement Madame H., mais comme le rendez-vous s’est déroulé pendant les vacances scolaires, Madame H. a demandé que son petit garçon de cinq ans reste avec nous et participe à ce moment d’échange agréable et joyeux. K. a ponctué l'interview de sa maman de petites phrases en italique dans le texte.

Comment avez-vous intégré le CHRS Thuillier ?

Il y a quelques années je me suis retrouvée veuve avec cinq enfants encore à charge. J’ai été dépassée. Peu à peu j’ai créé des dettes de loyers, ma situation financière et d’hébergement est devenue compliquée. J’ai été expulsée et je me suis retrouvée pendant un an et demi en errance avec une de mes filles et K. mon petit dernier. J’ai été hébergée à droite et à gauche. J’avais fait une demande de DALO qui est devenue DAHO (1). J’appelais toutes les semaines le SIAO (115) pour maintenir ma demande d’hébergement. Finalement le SIAO m’a positionnée sur l’Îlot. Je bénéficie d’une Mesure judiciaire d'aide à la gestion du budget familial (MJBGF)(2). J’ai eu un premier entretien avec ma référente et le 5 septembre j’emménageais avec deux de mes enfants. Entre temps les trois ainés étaient devenus majeurs et autonomes.

Comment s’est passé votre accueil ? La découverte du bâtiment et de notre dispositif ?

Je me suis dit on a un hébergement fixe pour au moins 6 mois, ça y est, on a un petit chez nous pour souffler. Ma référente m’a très bien accueillie, mais au début je ne m’intégrais pas, car à ce moment-là je faisais une dépression. K. avait du mal à s’endormir car il trouvait le logement trop grand. « Il y a deux chambres et quatre lits en tout ! », maintenant c’est bon. Dans le bâtiment il y a tout ce qu’il faut : « une salle télé, une salle de jeux, un grand terrain pour faire du foot. »
En dehors de ma dépression l’arrivée a été un grand soulagement. Ici c’est joli. Je ne m’attendais pas à quelque chose d’aussi grand et d’aussi propre. « Là où on a dormi avant il y avait des cafards ». Bien sûr il y a des règles à respecter comme signaler nos sorties et entrées. La sécurité pour entrer dans le bâtiment est rassurante. Maintenant seul K. vit encore avec moi, et lorsqu’un autre de mes enfants veut rester dormir dans le logement je dois demander une autorisation à l’équipe du CHRS.

Comment vit-on en famille en CHRS ? Comment vos enfants se sont intégrés au lieu ?

K. est ami avec un autre enfant du CHRS. Ensemble ils jouent aux cartes, au foot, etc. Il s'amuse aussi beaucoup seul, il sait bien s’occuper. Il fait de la pâte à modeler, du découpage, des coloriages, de la peinture. K. aime beaucoup la nature. « Une fois j’ai dessiné un grand papillon ». C’est bien d’avoir un logement où il peut jouer tranquillement. Il aime aussi faire des jeux de société avec moi.

Ma référente a fait changer K. pour une école plus proche du CHRS. C’est beaucoup plus pratique, avant on avait beaucoup trop de trajets pour aller dans l’autre école, en plus celle-ci est mieux. Les enfants font beaucoup d’activités. La nouvelle maîtresse m’a fait des compliments sur K. C’est très agréable. K. a eu 5 ans début décembre, sa maîtresse l’a fêté dans sa classe.

Et moi, pour la première fois, j’ai pu faire une vraie fête pour son anniversaire. J’avais réservé la salle télé de 13h30 à 18h. K. a dessiné des invitations qu’il est allé distribuer aux résidents avec qui on s’entend très bien. Tous les invités sont venus. On était une quinzaine de personnes. Il y avait des ballons et un goûter : petits fours, gâteaux d’anniversaire en forme de smileys, des bonbons, des jus de fruits, des chips, …

Être ici me permet de nous projeter dans l’avenir, de repartir à zéro. Quand on était à la rue, ça n’était pas possible.

Quel contact entretenez-vous avec votre référente et le reste de l’équipe des encadrants de l’Îlot ? Qu’est-ce que cela vous apporte en tant que maman ? pour vos enfants ?

Ma référente a été un grand appui pour résoudre ma situation administrative. J’avais un vrai laisser-aller dans tout ce qui est paperasserie. Elle m’a aidée à tout régler : impôts, CAF, Sécurité sociale, Pôle emploi. Ici toute l’équipe est bienveillante, mais ma référente elle est vraiment top. Elle voit quand ça ne va pas, elle bichonne ses résidents. C’est elle qui m’a fait reprendre rendez-vous avec un psy pour traiter ma dépression. C’est une sécurité supplémentaire en tant que maman, on se sent soutenue, appuyée par les points hebdomadaires et la possibilité de la solliciter si j’en ai besoin. Et si elle n’est pas là, je peux solliciter un autre travailleur de l’équipe, on n’est jamais seul avec un souci.

Comment se sont passées vos fêtes de fin d’année ?

On avait décoré notre logement, j’avais même fait un sapin. Il y a eu une fête le 22 décembre organisée par l’équipe. Un magicien est venu au CHRS faire un spectacle, c’était bien, c’était cool. Ensuite le Père Noël est venu et il a distribué des cadeaux. « J’ai eu de la pâte à modeler, deux petits livres, un petit ours et des chocolats ». Il y avait aussi des cadeaux sous notre sapin.
Le 24 décembre il y avait un réveillon dans la salle commune, préparé par l’équipe : petits fours, jus de fruits et bûches glacées. Idem pour le 1er de l’an. « Je suis resté debout jusqu’à minuit ! ». C’est convivial, ça fait plaisir, cette année c’était de vraies fêtes.

Avez-vous des projets de formations ou de recherches d’emploi ?

J’ai rencontré la Conseillère en insertion professionnelle de l’Îlot. Je souhaite faire une formation pour passer un Diplôme d’Etat d’auxiliaire de vie sociale (DEAVS). Elle m’a dirigée vers une réunion pour avoir des informations sur la formation et postuler. La formation est rémunérée. Si ma candidature est acceptée c’est une formation de 11 mois, comme je serais payée je pourrais chercher un logement. En attendant je ne veux pas rester à rien faire et à broyer du noir.

Auriez-vous pu envisager ces projets sans votre passage à l’Îlot ?

Non, sans l’Îlot, sans l’aide de ma référente rien n’aurait pu être fait. Aujourd’hui, je suis contente et fière de l’avancée de ma situation.

(1) Le DALO et le DAHO sont deux recours différents pour obtenir un logement ou un hébergement social. Le recours DALO vise à obtenir un logement ordinaire, tandis que le recours DAHO vise à obtenir une place en hébergement social ou un logement de transition. (droitaulogementopposable.org)

(2)La Mesure judiciaire d'aide à la gestion du budget familial a pour but d'aider à gérer les prestations familiales reçues pour les enfants. Le juge ordonne cette mesure dans le cadre de la protection des enfants. La gestion des prestations familiales est confiée à un tiers. (service-public.fr)

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