26/06/2024

"Je crois à la deuxième chance"

Rencontres avec l'encadrant et deux salariés du premier Atelier et chantier d’insertion en milieu carcéral ouvert par l’Îlot en novembre 2023. Atelier de recyclage et de valorisation textile.

HAKIM, ENCADRANT de l'Atelier et chantier d'insertion

J’ai travaillé pendant 23 ans dans l’industrie logistique, pour de grosses entreprises. J’ai toujours été attiré par le social. Jeune je réglais les conflits, j’aidais les gens en difficultés. J’ai toujours aimé ce rôle de conciliateur. Initialement je souhaitais travailler en Etablissements de service et d’aide par le travail (ESAT) qui sont destinés aux personnes en situation de handicap. Et de fil en aiguille je suis arrivé à l’Îlot. Je connaissais le milieu carcéral car j’ai vu des gens de cité partir en détention. Intégrer l’ACI de Beauvais ça correspondait à mon envie d’aider les autres.

Pour moi le public carcéral est un vrai challenge. Je viens des quartiers et je crois à la deuxième chance. Pour beaucoup ce sont des accidents de vie et je suis convaincu par la possibilité de réinsertion. Leur permettre de se former et les aider à trouver un emploi à leur sortie c’est favoriser leur réinsertion. Pour les personnes détenues l’atelier fait un grand changement. Par exemple Emmanuel restait enfermé dans sa cellule dans le noir sous cachets anti-dépresseur. Depuis qu’il vient à l’atelier plus besoin de cachets et il s’est remis à socialiser. L’atelier apporte la possibilité d’échanger, de sortir du repli sur soi. Il y a un gros travail pour les remotiver, leur faire reprendre goût à la vie et les aider à bâtir un projet. Même s’ils ne sont pas tous excusables ils méritent de se réinsérer.

Être encadrant de public justice cela exige leur respect tout en étant très proche pour pouvoir créer une dynamique de groupe. Le respect est mutuel, moi aussi je les respecte. Il faut les motiver par un lien bienveillant, à leur écoute, nouer un lien de confiance tout en leur faisant effectuer leur travail correctement. Parfois c’est un peu compliqué de rester enfermé toute la journée avec des détenus. Ils peuvent confier des choses lourdes comme des envies de suicide.

Voir leur progression dans leur attitude et dans leur investissement dans leur activité, c’est gratifiant.

EMMANUEL, salarié de l'Atelier et chantier d'insertion

- Pouvez-vous nous indiquer depuis quand vous êtes incarcérés et jusqu’à quand ?
Je suis en détention depuis le 1er avril 2023 et en théorie j’y suis jusqu’en août 2025.
- Depuis votre entrée en détention avez-vous déjà eu l’occasion de travailler ou de vous former ?
Oui au début j’ai travaillé à la plonge, mais c’est très désagréable, on est en caleçon sous une blouse car il fait très chaud, on a des gants qui monte jusqu’aux épaules. On sue énormément. Je n’ai fait ça que 2 mois
- Était-ce un souhait de votre part ? Qu’est-ce que vous apporte un travail en détention ?
Oui pour pouvoir sortir de cellule pendant quelques heures, cela permet de rencontrer d’autres détenus que ceux de notre étage. Je suis dans le quartier MH3, dit aussi le quartier respect, ce qui veut dire que nous sommes des détenus calmes et que de ce fait nous avons le droit de nous déplacer à notre étage de 7h30 à 11h et de 13h30 à 17h30. On va papoter dans la cellule d’un autre, boire un café jouer aux cartes. Lorsqu’on travaille cela permet de rencontrer des détenus d’autres étages, ça « ouvre un peu l’horizon ». Travailler permet aussi de toucher un peu d’argent pour cantiner.
- Comment avez-eu l’opportunité d’intégrer cet ACI ?
Il y avait une affiche indiquant l’ouverture de cet atelier. J’ai postulé. J’ai passé un entretien qui s’est bien passé. J’ai ensuite signé mon contrat pour intégrer l’atelier.
- Qu’est-ce que cela vous apporte et comment cela va vous aider dans la suite de votre parcours ?
Cela m’apporte déjà de la liberté. Grâce à l’atelier je peux passer 7h en dehors de ma cellule. Cela me permet de cantiner et de participer à ma dette vis-à-vis de la partie civile. Heureusement c’est une petite dette que je vais pouvoir régler, ce n’est donc pas une source de stress. A l’ACI j’ai appris la mise en place, l’organisation d’une chaîne de travail, à m’interroger sur le tri, j’apprends des choses, mais une fois sorti je reprendrai mon métier de maçon. C’est surtout l’accompagnement par la Conseillère en insertion professionnelle (CIP) de l’îlot qui va m’aider pour la suite.
Le gros plus de cet atelier c’est l’accompagnement car ça nous aide beaucoup. On est vraiment accompagnés, on voit que ça bouge. On a des rdv individuels avec la CIP tous les 15 jours. Le suivi est très rigoureux. Son écoute est personnelle, elle connaît très bien nos dossiers et les étudie tous cas par cas. Grâce à ça j’ai déjà eu un rdv avec une agence d’Intérim. Ça donne tous les contacts pour faire les démarches en amont de la sortie et donc ça nous évite de perdre du temps une fois dehors. Et si on arrive à avoir un projet professionnel qui nous attend à l’extérieur cela peut permettre de sortir plus tôt sous bracelet électronique. C’est un bon coup de pouce.
- Redoutez-vous votre sortie ?
A ma sortie j’ai la chance d’avoir une famille et un logement qui m’attendent. Donc la vraie question ce sera le travail. Le casier judiciaire va me fermer quelques portes. Heureusement l’Îlot va me suivre pendant encore deux ans.

GABRIEL, salarié de l'Atelier et chantier d'insertion

- Pouvez-vous nous indiquer depuis quand vous êtes incarcérés et jusqu’à quand ?
Je suis en détention depuis le 1er décembre 2022, avec les remises de peine je devrai sortir en janvier 2025.
- Depuis votre entrée en détention avez-vous déjà eu l’occasion de travailler ou de vous former ?
J’ai suivi l’école en détention pour passer un certificat de remise à niveau général, le certificat de formation générale (CFG).
- Comment avez-eu l’opportunité d’intégrer cet ACI ?
J’ai postulé pour travailler en atelier et j’ai aussi fait une demande de formation dans le bâtiment. On s’ennuie beaucoup en cellule. Je ne voulais pas y rester, en travaillant le temps passe plus vite. Je voulais aussi pouvoir cantiner, faire en sorte que les gens de ma famille n’aient pas à m’envoyer de l’argent qu’ils n’ont pas. L’argent qu’on touche ici est le bienvenu.
Le premier atelier qui m’a répondu c’est l’Îlot, alors je l’ai intégré.
- Qu’est-ce que cela vous apporte et comment cela va vous aider dans la suite de votre parcours ?
Ça ne fait que deux mois que je suis à l’atelier alors c’est encore un peu tôt. C’est une expérience à prendre et cela évite de perdre une année à ne rien faire.
- Redoutez-vous votre sortie ?
J’ai peur en sortant de n’avoir du travail qu’en Intérim.
Je ne veux plus retourner en ville, je veux le calme de la campagne. Ici le béton et entendre les gens crier cela me rappelle ma cité. C’est là où j’ai grandi et ça ne m’a pas apporté les bonnes connexions. J’ai envie de voir autre chose.

Nous avons besoin de vous !

Sans votre soutien, nous ne pouvons mener à bien nos missions et agir sur tous les facteurs nécessaires à une réinsertion réussie comme l’accès à l’emploi ou à un logement, et lutter ainsi contre la récidive.

Offrez une seconde chance aux personnes en grande précarité et à celles et ceux qui ont connu la prison !

Faites un don

Abonnez-vous pour rester informé(e) !